Le Sénégal, il y a peu encore, célébré comme un futur géant énergétique en Afrique de l’Ouest, semble s’échouer avant même d’avoir mis les voiles. Malgré les découvertes majeures des champs gaziers Yakaar-Teranga (environ 25 trillions de pieds cubes de gaz récupérable) et pétrolier Sangomar (estimé à 630 millions de barils), les retards et les erreurs de gestion laissent présager une occasion historique manquée.

Les hydrocarbures, perçus comme une manne providentielle, risquent de se transformer en mirage. Pourquoi ? Trois raisons majeures, symptomatiques d’un échec plus large de gouvernance, expliquent ce gâchis imminent.

Un financement introuvable : le piège des illusions

Sur les marchés financiers, le pétrole et le gaz sont devenus des investissements toxiques. Influencés par des engagements écologiques et des pressions en faveur de la transition énergétique, les grands fonds tournent le dos aux énergies fossiles. Cela laisse au Sénégal peu d’options : seuls des acteurs des pays du Golfe ou de la Chine pourraient encore soutenir un tel projet. Encore faudrait-il savoir les convaincre.

Malheureusement, aucune stratégie claire ne semble émerger de Dakar. Pire, les décisions passées ont aggravé le déficit de confiance. L’annulation du contrat avec Acwa Power, une entreprise saoudienne spécialisée dans les énergies renouvelables et largement soutenue par le gouvernement d’Arabie saoudite, est un exemple frappant. Ce contrat, qui aurait pu renforcer les liens économiques et stratégiques entre le Sénégal et l’Arabie saoudite, a été résilié sans explications convaincantes. Ce geste unilatéral a non seulement porté atteinte à la réputation du pays auprès des investisseurs saoudiens, mais il a aussi semé un sentiment de défiance plus large parmi les acteurs économiques du Golfe.

Ces partenaires potentiels, historiquement disposés à financer des projets d’envergure en Afrique, hésitent désormais à engager leurs capitaux dans un pays perçu comme imprévisible et mal préparé. Dakar, au lieu de bâtir un pont avec ces investisseurs stratégiques, a laissé s’installer une relation marquée par l’amateurisme et l’absence de vision. Résultat : les projets énergétiques du Sénégal restent en stand-by, paralysés par un manque criant de financement.

Dans un contexte où chaque décision compte, cette absence de pragmatisme pourrait bien être la pierre angulaire d’un naufrage annoncé.

ENI : la gifle italienne qui en dit long

Si le retrait de BP du champ Yakaar-Teranga a déjà marqué les esprits, le refus cinglant d’ENI d’en reprendre les rênes est un signal encore plus inquiétant. La grande compagnie italienne, après avoir mobilisé ses outils d’intelligence artificielle pour évaluer le projet, a jugé l’équation trop risquée. Les difficultés techniques d’exploitation du champ et les conditions jugées inacceptables imposées par les autorités sénégalaises ont scellé le verdict : non.

Ce camouflet aurait dû provoquer un électrochoc. Mais au lieu de s’interroger sur les lacunes de leur offre, les décideurs sénégalais ont laissé Kosmos Energy – un acteur certes compétent, mais aux ambitions bien moindres – reprendre les parts de BP. Une décision qui révèle un manque criant de vision stratégique.

Une inexpérience coûteuse : le Sénégal hors-jeu

Le pétrole est un secteur complexe, où la maîtrise technique et la finesse stratégique sont essentielles. Or, le Sénégal s’aventure dans cette arène sans préparation. Les autorités, peu familières avec les subtilités des négociations pétrolières, se sont heurtées à des multinationales bien mieux armées. Conséquence : des conditions mal ajustées, des partenaires méfiants, et un pays qui reste à quai.

Au lieu de s’entourer d’experts de renommée internationale pour pallier ces lacunes, Dakar semble s’entêter à croire que la bonne volonté suffira. Une erreur de jugement qui pourrait coûter cher, très cher.

Conclusion : un avenir hypothéqué

Le Sénégal est en passe de transformer une opportunité en fiasco. Alors que les hydrocarbures auraient pu représenter un levier exceptionnel pour son développement économique, le pays risque de voir ces ressources s’évaporer dans un océan d’incertitudes et d’erreurs stratégiques.

Pour éviter cet avenir sombre, une refonte complète de l’approche est impérative. Cela passe par l’embauche d’experts compétents, une adaptation aux réalités financières et écologiques actuelles, et une gestion plus pragmatique des relations avec les investisseurs. Le temps presse : chaque jour perdu est un pas de plus vers le naufrage.