L’Arabie saoudite aurait donné son feu vert aux Émirats arabes unis (EAU) pour reconsidérer leurs relations avec Israël si ce dernier venait à relancer un projet d’annexion en Cisjordanie. Cette information a été rapportée par le média public israélien Kan, citant une source proche de la famille royale saoudienne.
Selon le rapport, la question a été abordée lors d’une réunion de haut niveau tenue à Riyad la semaine dernière entre le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane (MBS), et le président des Émirats arabes unis, Cheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan (MBZ). Le communiqué de l’Agence de presse saoudienne a indiqué que les deux dirigeants ont discuté « des derniers développements en Palestine », sans toutefois donner davantage de détails.
D’après la source citée par Kan, les deux leaders auraient estimé qu’un retour en arrière sur les accords de normalisation – les Accords d’Abraham, signés en 2020 entre Israël et les EAU – serait une « option réaliste » si Tel-Aviv décidait d’aller de l’avant avec un plan d’annexion en Cisjordanie. Une telle mesure aurait pour conséquence directe de geler tout processus de rapprochement diplomatique entre Israël et l’Arabie saoudite, actuellement en cours de discussions officieuses sous l’égide des États-Unis.
Les Accords d’Abraham remis en question
Pour rappel, la normalisation entre les Émirats arabes unis et Israël en août 2020 avait été conditionnée à l’abandon par Israël de ses projets d’annexion de parties de la Cisjordanie, notamment dans la vallée du Jourdain. Cette décision avait été saluée par Washington et perçue comme un tournant historique dans les relations entre l’État hébreu et le monde arabe, avec le soutien tacite de Riyad.
Cependant, ces derniers mois, des signaux en provenance d’Israël laissent entendre que la question de l’annexion pourrait revenir sur la table politique, notamment dans le cadre de discussions au sein du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou.
Des avertissements émiratis à répétition
Face à cette perspective, Abou Dhabi a intensifié ses mises en garde. Des messages ont été transmis à Israël par divers canaux :
Déclarations publiques – notamment dans une interview accordée à The Times of Israel,
Communiqués officiels publiés par le ministère émirati des Affaires étrangères,
Messages diplomatiques privés relayés par des intermédiaires.
Ces prises de position auraient suscité une inquiétude au sein du gouvernement israélien : selon The Washington Post, elles auraient conduit Benjamin Netanyahou à retirer la question de l’annexion de l’ordre du jour d’une réunion du cabinet tenue jeudi soir.
Riyad hausse également le ton
Plus tôt dans la journée, l’Arabie saoudite a publié une déclaration condamnant fermement les propos tenus par certains responsables israéliens appelant au déplacement forcé de populations palestiniennes de Gaza. Riyad a accusé Israël de « génocide » et réaffirmé son soutien au peuple palestinien et à la création d’un État indépendant sur les frontières de 1967. La déclaration n’a pas mentionné explicitement la question de l’annexion de la Cisjordanie, mais selon des diplomates, cette menace de reconsidérer les Accords d’Abraham s’inscrit dans la même logique de pression politique.
Un signal pour Washington et Tel-Aviv
Cette position commune entre Riyad et Abou Dhabi représente un signal fort adressé à Israël et à ses alliés. Pour les deux puissances du Golfe, l’annexion de territoires palestiniens représenterait une ligne rouge susceptible de compromettre les efforts de normalisation régionale entamés depuis 2020.
Les observateurs notent que cette dynamique pourrait également compliquer la diplomatie américaine, qui s’efforce depuis plusieurs mois de favoriser un rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite, considéré comme l’objectif ultime des Accords d’Abraham.
Si Tel-Aviv persiste dans ses velléités d’annexion, les Émirats pourraient revoir leur partenariat stratégique avec Israël, ce qui marquerait un coup d’arrêt à l’un des processus diplomatiques les plus significatifs de la dernière décennie au Moyen-Orient.