Jouer les durs est une chose, faire la politique en est une autre. Dans ce second domaine, l’efficacité prime et impose le réalisme.
La « vérité effective de la chose » dont parle Machiavel est incontournable et en Afrique du Sud, Zuma continue de représenter un poids lourd dans le jeu politique. D’abord en tant que leader au niveau de l’ANC et, ensuite et surtout dans sa tribu des Zoulous.
Humilier Zuma, nous l’avons dit sur ces colonnes et répéter, serait une erreur politique qui se paierait dans les urnes. Ramaphosa, une fois l’euphorie de la victoire retombée et, face aux défis nombreux pour garder le pouvoir, met de l’eau dans son vin.
C’est comme cela qu’il faut comprendre la décision prise de faire payer par le gouvernement les frais de justice de l’ancien chef de l’État.
Si Ramaphosa était dans une logique de rester cohérent avec lui-même, c’est à dire avec ses propres déclarations accusant Zuma de corruption et s’engageant à mener une lutte sans merci contre les corrompus, il ne cautionnerait pas la prise en charge de ses frais de justice.
En effet comment aider un « corrompu » qu’on a vilipendé et forcé à quitter le pouvoir ? Comment justifier le revirement actuel ?
La vérité crue est que Ramaphosa a gagné contre l’ex-Mme Zuma Dlamini de très peu. Il a un besoin impératif du soutien politique de l’« autre moitié » de l’ANC qui a voté contre lui. Et aussi et surtout des Zoulous pour espérer garder le fauteuil présidentiel après les élections législatives de l’an prochain.
Jouer sur tous les tableaux en rassurant les milieux d’affaires mais aussi donner des gages à la majorité noire sans laquelle toute victoire électorale est impossible. C’est pour quoi l’expropriation de fermiers blancs est une exigence politique et démocratique.
Ramaphosa va devoir s’expliquer et convaincre. Il ne pourra pas disserter sur le réalisme politique. Il faudra qu’il avance masqué en disant une chose et en faisant son contraire.
Il n’est pas sûr qu’il gagne sur tous les tableaux.