L’Ukraine tente d’investir le terrain diplomatique africain, longtemps négligé. De par leur activisme, le président ukrainien en personne et les officiels du gouvernement espèrent convaincre les nations africaines de se ranger dans leur camp dans le conflit qui les oppose à la Russie. 

Dans sa guerre qui l’oppose à la Russie, la contre-offensive ukrainienne ne se joue pas seulement avec les armes. Sur le terrain diplomatique, l’Ukraine déploie, depuis l’invasion russe déclenchée le 24 février 2022, des efforts inédits pour contrebalancer l’avantage de son ennemi sur le continent africain.

Selon les observateurs, Moscou a tissé en Afrique des relations de longue date et y dispose d’un capital de sympathie indéniablement supérieur à celui de Kiev.

 

Une tendance corroborée par les votes lors des deux dernières résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies appelant la Russie à retirer ses forces d’Ukraine. En mars 2022, 28 des 54 États africains prennent ainsi le parti ukrainien, quinze s’abstiennent, et huit ne prennent pas part au vote. Seule l’Érythrée affiche sa désapprobation.

 

Un an plus tard, en février 2023, 22 nations africaines optent pour l’abstention ou le non-vote, à l’instar du Sénégal ou de l’Afrique du Sud qui s’abstiennent. Cette fois-ci, l’Érythrée et le Mali, où opère la milice privée russe Wagner, votent contre.

Or, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ambitionne de renverser la vapeur. Le premier appel du pied remonte à juin 2022. Le dirigeant adresse, à huis clos, une première allocution vidéo aux membres de l’Union africaine (UA). Il leur expose alors sa vision de la guerre et pointe la responsabilité russe dans la crise alimentaire qui menace le continent africain. Depuis lors, la politique étrangère ukrainienne redouble d’activisme pour convaincre les responsables africains.

« Diplomatie du grain »

À commencer par la diplomatie du grain. Quatrième exportateur mondial de blé avant le 24 février 2022, l’Ukraine contribue significativement à la sécurité alimentaire de certains pays en voie de développement, notamment en Afrique.

Le 26 novembre 2022, à l’occasion des 90 ans de l’Holodomor, la famine orchestrée par Staline en Ukraine, Volodymyr Zelensky, annonce le lancement de l’initiative « Grain from Ukraine » (« Céréales d’Ukraine»). « L’Ukraine remplira ses obligations concernant l’exportation de céréales et d’autres produits agricoles sur le marché mondial, commente alors le chef de l’État. L’Ukraine se bat pour notre vie et se bat pour la vie des autres nations afin qu’elles soient libérées de la famine. »

 

Le plan consiste à exporter, à titre gracieux, des céréales à destination des pays africains dans le besoin, notamment dans la Corne de l’Afrique. À cet égard, 110.000 tonnes de grains auraient été expédiées en Somalie et en Éthiopie, 25.000 autres tonnes au Kenya. En outre, dans une déclaration consécutive au lancement de l’opération, le président français, Emmanuel Macron, évoque « l’acheminement par le Programme alimentaire mondial de 25 000 tonnes de blé offert par l’Ukraine à destination de la Somalie. » Au total, près de 60 navires ukrainiens doivent acheminer des céréales vers le Soudan, le Yémen et la Somalie d’ici l’été 2023.

 

Face à la rivalité russo-ukrainienne, Moussa Faki Mahamat a toutefois mis en garde, à la tribune de l’Union africaine. « Dans ce contexte international d’affrontement, des intérêts géopolitiques divergents, la volonté des uns et des autres menace de transformer l’Afrique en terrain de bataille géostratégique, recréant de ce fait une nouvelle version de la guerre froide. Dans ce jeu à somme nulle, où les gains des autres se traduisent par des pertes pour l’Afrique, nous devons résister à toutes les formes d’instrumentalisation de nos États membres. »