Décidément 100 ans après la déclaration de Lord Balfour(2 novembre 2017) qui engageait les Anglais à favoriser l’implantation d’« foyer national juif en Palestine » et, auparavant les accords Sykes-Picot (signé le 16 mai 1916) qui ont redessiné les frontières de la région, le Moyen Orient est en proie à cet héritage géopolitique qui est une véritable nébuleuse et un poison mortifère.

Depuis un siècle s’est ainsi créée une zone sismique politique où les secousses telluriques sont perpétuelles. Celle qui vient de frapper concomitamment le Liban avec la démission du premier ministre Saad Hariri et l’Arabie Saoudite où 17 princes ont été arrêtés, suite à la mise sur pied d’une commission anti-corruption, est d’une magnitude qui fait voler en éclats l’échelle de Richter. Du jamais vu !

Essayons d’y voir plus clair : tout le monde se rappelle l’expulsion sur-médiatisée du « prince rouge » marocain Moulay Hicham de Tunisie. C’était le 8 septembre dernier. Moulay Hicham, cousin du roi du Maroc, était venu en Tunisie pour faire une conférence sur : « la démocratisation du Moyen-Orient ». Il devait ensuite se rendre à Doha au Qatar pour continuer ses prêches dont la finalité est de soutenir les « Frères musulmans ».

Les activités, pour le moins suspectes du « prince rouge » sont surveillées de très près par les gouvernements des pays du moyen-orient et de l’Arabie Saoudite notamment. Parce que Moulay Hicham est aussi cousin du prince saoudien multimilliardaire, Wali Ben Talal. Leurs deux méres sont des sœurs d’origine libanaise. Leur père qui est donc le grand-père de Moulay Hicham et de Walid Ben Tala s’appelle Riyad El-Sohl. Ainsi la connexion libanaise est établie et, il faut aussi noter que Saad Hariri est à la fois saoudien et libanais.

Même si le tracé des frontières n’explique pas tout ; parce qu’il y a aussi les relations matrimoniales et les liens du sang qui vont avec. Et les gros intérêts économiques et politiques. Moulay Hicham, tout prince qu’il est, ne roule pas sur l’or. Il bénéficie de l’appui financier de son milliardaire de cousin, Walid qui orienterait ses réflexions politico-idéologiques.

En tout cas hier il s’est fendu d’un article au vitriol dans le journal : « ORIENT XXI » contre l’Arabie Saoudite à qui il prédit l’avènement d’un régime similaire à celui de l’Iran des Mollahs. Comme, par hasard un missile a été intercepté par les forces de défense saoudiennes. Comme par hasard le premier ministre libanais Saad Hariri annonce sa démission depuis l’Arabie Saoudite en affirmant « craindre pour sa vie ». Son père, Rafik Hariri, ancien premier ministre avait été assassiné et le crime reste toujours mystérieux même si la Syrie et le Hezbollah sont pointés du doigt. Saad Hariri a nommément cité le Hezbollah et l’Iran qui ont démenti.

C’est dans ce contexte explosif que s’est produit l’arrestation spectaculaire de 17 princes saoudiens dont Walid Ben Talal. Avec des dizaines de personnalités, ministres du gouvernement actuel ou de gouvernements antérieurs. Pour le moment ils sont détenus à l’hôtel Ritz de Riyad, transformé en prison dorée pour VIP. Toutefois les comptes bancaires des personnes arrêtées vont être gelés et leurs activités économiques passées au peigne fin.

C’est donc la mise en branle d’une « opération mains propres » sans précédent qui porte la signature du prince héritier Mohammed Ben Salmane. Le patron de la garde royale et le ministre de l’économie sont limogés. Il s’agit d’une grande purge qui participe de l’action globale de modernisation du royaume et de lutte contre ses ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. Par delà la connexion libanaise, il y a le Hezbollah et l’Iran, ennemis jurés du royaume saoudien. Le bras de fer qui se poursuit au Yemen et avec le Qatar sous embargo se prolonge sur le sol saoudien.

L’argent joue évidemment un rôle capital(c’est le cas de le dire) dans cette affaire où les uns financent les autres y compris les terroristes dans l’impunité la plus totale. C’est ce qu’a décidé de combattre le prince héritier Ben Salmane qui a du courage à revendre. Il a raison car le royaume ne peut pas continuer à vivre comme il y a cent ans. Il doit se moderniser et diversifier son économie.

D’où le choix d’ouvrir le capital de la société nationale ARAMCO, décision qui n’a pas eu l’heur de plaire au prince Al Walid. Il est certes prince et milliardaire ; mais ne gère pas le pays. Et puis c’est une partie infime du capital(on parle de 5%) qui serait vendue sur les places boursières internationales. Comme par hasard le président Donald Trump a préconisé que cette opération exceptionnelle se fasse à la bourse de New-York. Le prince Walid a exprimé son opposition publiquement.

Curieux, ce même Walid avait donné un coup de pouce à Trump en achetant des actions de sa société et son yatch personnel. Ce qui avait renfloué les finances de l’homme d’affaires américain qui était en difficulté. À l’évidence Walid est maintenant de l’autre côté de la barrière contre son propre pays. Cela pourrait lui coûter très cher.

L’arrestation n’est qu’une première étape d’un long processus de bataille politico-économique qui va secouer le Moyen-Orient autant voire plus que les guerres Iran-Irak et « Tempête du désert ». Car tous ces conflits ont eu des impacts dans toute la région et même au-delà. Ce qui se passe en Arabie Saoudite est d’une ampleur inédite.

Il fera basculer le pays définitivement d’un côté, la modernisation avec le prince héritier Ben Salmane ou de l’autre, retour au statu quo ante. Pour le moment le régime royal et légal tient les choses en main.