Aujourd’hui, dernière partie de notre dossier consacré au plan de redressement économique et social du Sénégal, baptisé « Jubbanti Koom », qu’Ousmane Sonko a récemment présenté. Censé incarner une nouvelle ère, celle de l’indépendance vis-à-vis des partenaires internationaux, ce plan enferme, derrière l’ambition affichée, le Sénégal dans une vision étriquée, voire recroquevillée sur elle-même, où la souveraineté n’est, en fait, qu’une façade.
La Dépendance Cachée aux Partenaires Externes : une souveraineté illusoire
Malgré une rhétorique martiale proclamant que 90 % du plan Jubbanti Koom est financé par des ressources internes, le Sénégal demeure profondément tributaire de ses bailleurs. Combien de pays peuvent réellement mobiliser plus de 5 600 milliards FCFA sans recourir aux prêts concessionnels, dons ou reports d’échéance ? À titre de comparaison, le Programme de résilience économique et sociale (PRES) précédent dépendait à hauteur de 84,5 % de financements issus de partenaires internationaux, chiffre incontournable, loin des slogans de souveraineté. Cette évidence creuse un tombeau pour l’idée que l’on peut assurer le redressement sans dialogue ni discipline vis-à-vis des acteurs externes.
Investissements étrangers & marchés mondiaux
Refuser le FMI ne suffit pas à libérer le pays de ses obligations : le Sénégal reste intégré dans des chaînes de valeur mondiales. Les investissements directs étrangers (agro-industrie ou hydrocarbonées), financés à grand renfort de crédits concessionnels ou d’investissement rattachés à des contrats internationaux, démontrent la fragilité de l’autonomie proclamée. Même si l’État refuse officiellement de s’endetter, il exporte sa dépendance par la présence d’opérateurs multinationaux qui décident de projets majeurs, et conditionnent l’accès aux marchés mondiaux.
Interdépendance juridique & économique
Un pays qui choisit de se passer du FMI doit s’aligner sur les standards de qualité des bailleurs, respecter les cadres d’emprunt du Club de Paris ou de l’AFD, et se soumettre aux audits des institutions multilatérales. C’est dire que la souveraineté devient un simulacre juridique dès que le plan repose sur des conventions internationales. La reconnaissance d’un prêt concessionnel signifie l’acceptation d’un droit d’ingérence sur les choix budgétaires futurs, ce qui vide de sens toute prétention d’indépendance absolue.
Exposition aux chocs exogènes
Une crise des matières premières ou un resserrement monétaire (cf. hausse des taux en euros-debt) suffisent à faire chanceler l’économie sénégalaise. Les produits essentiels, les intrants agricoles, les équipements industriels sont importés via des circuits internationaux : dans un monde incertain, cette dépendance technique et matérielle incarne la souveraineté factice. Le cas récent de la flambée des prix agricoles ou du ralentissement des IDE illustre, à nouveau, que le plan reste vulnérable aux oscillations extérieures.
En définitive, le plan politique « évitant le FMI » devient un aveu paradoxal de l’impossibilité de la souveraineté dans un contexte d’économie mondialisée. La réalité géopolitique n’attendra jamais un vœu rhétorique.
Quelques mots encore pour conclure cette série d’articles consacrée à l’analyse du plan de redressement du premier ministre Sonko. Ces mots seront pour relever l’amateurisme flagrant d’un document brouillon indigne d’un plan national. Les enjeux reformulés sans précision, les promesses comme « dialogue national » ou « états généraux sectoriels » mais sans cadre réglementaire ou échéancier précis, trahissent une planification improvisée. L’économiste Bocoum accuse explicitement le plan de fonder des annonces sur des outils flous, parfois sans cohérence entre les audits (Mazars, Cour des comptes, IGE), amalgamant les données avec des ratios de déficit cumulés sans distinction claire des périmètres ni des dates d’évaluation.
Qui a conçu ce plan ? Si c’est l’équipe de Sonko, elle doit être immédiatement remaniée, l’amateurisme y est assumé. Aucun cabinet technique extérieur digne de ce nom ne signerait un document aussi peu rigoureux. Et si c’est un consultant mandaté, une exigence de remboursement est légitime : un étudiant en première année d’économie aurait fait mieux.
Le plan sonne creux et devient dangereux pour la réputation du Sénégal. Les bailleurs attendent des signaux de clarté, de méthodologie, de fiabilité. En présentant un document aussi brouillon lors d’un moment aussi solennel, le pays se ridiculise. Ce manque de sérieux fragilise la confiance des financeurs, accroît les risques de décote et affecte la note pays, anéantissant le message souverainiste.
Ousmane Sonko, dans ce plan, ne montre pas qu’il est capable de diriger un État : il n’a ni la formation, ni l’équipe, ni la méthode. Diomaye Faye, en laissant faire, est tout aussi responsable : il a cautionné ce document dans lequel l’amateurisme qui s’y propage risque de tourner la promesse de rupture en un véritable sabotage économique