Le ton est monté d’un cran entre l’Afrique du Sud et les États-Unis. En qualifiant de « apartheid 2.0 » le programme américain d’accueil des Afrikaners, le ministre sud-africain des Affaires étrangères Ronald Lamola a ravivé une querelle qui envenime depuis plusieurs mois les relations entre Pretoria et Washington.

Un programme qui passe mal

À l’origine de la discorde : la décision du président américain Donald Trump d’accorder le statut de réfugié aux Afrikaners, descendants des premiers colons européens et héritiers historiques du régime ségrégationniste sud-africain. Selon Trump, cette minorité blanche serait victime d’un « génocide » dans son pays d’origine, un terme que Pretoria rejette catégoriquement.

« Compte tenu de l’histoire de notre pays, ce traitement préférentiel est un apartheid 2.0 », a martelé Ronald Lamola lors d’un point presse, accusant Washington de détourner la réalité sud-africaine.

Pretoria riposte

Face à cette initiative américaine, Pretoria a annoncé qu’elle ne faciliterait pas l’action de l’ONG kényane Church World Service, mandatée par Washington pour traiter les départs d’Afrikaners vers les États-Unis. « Le gouvernement sud-africain n’a aucune obligation ni aucun devoir d’aider le gouvernement américain », a insisté Lamola, dénonçant un processus « accéléré d’immigration » imposé unilatéralement.

Si un premier groupe de 49 personnes a déjà quitté le pays en mai par vol spécial, l’administration Trump entend désormais multiplier les arrivées via des vols commerciaux.

Des accusations contestées

Pour Pretoria, la rhétorique américaine relève plus de la manipulation que de la réalité. Selon les statistiques de la police sud-africaine, seuls six meurtres ont été recensés sur des exploitations agricoles au premier trimestre 2025, et « la majorité des employés dans ces zones sont noirs ». Un bilan bien éloigné du discours alarmiste porté par les lobbys identitaires afrikaners, qui évoquent 37 meurtres en 2024.

Un climat bilatéral déjà tendu

Cette querelle autour des Afrikaners n’est que le dernier épisode d’une série de frictions. Pretoria est déjà dans le collimateur de Washington pour avoir saisi la Cour internationale de justice contre Israël, et pour avoir adopté une loi d’expropriation et des mesures de discrimination positive critiquées par les États-Unis.

Les relations commerciales ne sont pas épargnées : la plupart des exportations sud-africaines vers les États-Unis sont désormais soumises à des taxes de 30 %, parmi les plus élevées imposées à un pays d’Afrique subsaharienne. Une mesure qui menace des secteurs stratégiques comme l’automobile, le textile et l’agriculture, et pourrait coûter jusqu’à 100 000 emplois au pays, déjà frappé par un chômage qui touche plus d’un tiers de la population.

Une relation sur un fil

« Je ne sais pas si on parviendra à un accord ou non », a reconnu Ronald Lamola, évoquant les négociations en cours avec Washington. Mais à Pretoria, une conviction s’installe : les États-Unis et l’Afrique du Sud sont engagés dans un bras de fer diplomatique et commercial qui ne cesse de s’intensifier.