La guerre déclenchée contre la province du Tigré, en novembre 2020, est en train de se retourner « comme un boomerang » contre ses initiateurs .
Le Premier ministre éthiopien Aby Ahmed et son gouvernement, sont dans une situation difficile face à des rebelles tigréens qui ont su résister, se replier et passer à l’offensive, avec une détermination qui semble mettre en déroute les soldats fédéraux.
Ces derniers jours, les villes de Dessie et Kombalcha, deux verrous stratégiques, à 400 kilomètres de la capitale, sont tombées entre les mains du TPLF (le Front de libération du peuple du Tigré).
Cette avancée fulgurante des rebelles crée la panique à Addis Abéba et a poussé le gouvernement à déclarer l’état d’urgence dans tout le pays.
Les habitants de la capitale sont appelés à se préparer à défendre leurs quartiers.
On le voit, Aby Ahmed ne pavoise plus et l’échec des bombardements aériens sur Békélé (la capitale du Tigré), est acté.
Le curieux est la désinvolture avec laquelle, le Chef du gouvernement éthiopien et Prix Nobel de la Paix, s’est engagé dans cette aventure belliciste.
Lui, un officier qui connaît bien l’histoire de son pays jalonnée par des conflits perpétuels entre les empereurs et les provinces.
L’impossibilité de faire de l’Ethiopie un Etat-Nation, a justifié la création d’une fédération, et même la séparation avec l’Erythrée, devenue un Etat souverain, avec l’approbation de l’Union africaine (UA), qui a fait une dérogation au sacro-saint principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation.
Soit dit, en passant, elle en fera une autre avec le Sud-Soudan qui s’est détaché du Soudan.
Paradoxalement, l’Érythrée soutient Addis Abéba dans sa lutte contre le Tigré, même si la longue lutte pour l’indépendance a opposé Asmara (la capitale de l’Erythrée), aux tenants du pouvoir de l’époque, membres de la minorité tigréenne.
C’est ce passé récent qui explique le retournement de situation actuel, car les soldats tigréens sont des combattants aguerris qui ont constitué l’élite de l’armée éthiopienne.
Si la communauté internationale n’arrive pas à imposer un cessez-le feu, une marche sanglante sur Addis Abéba est à craindre.
Aby Ahmed est certes membre de la majorité ethnique Oromoet Amhara (par sa mère) et donc a une assise politique, démocratique solide. Mais le savoir-faire militaire penche du côté tigréen.
Il devrait ôter ses tenues de chef guerrier et enfiler sa toge de Prix Nobel de la Paix, pour appeler au dialogue.
L’ONU doit l’y aider, mais aussi l’Union africaine dont le siège est à Addis.
Le moment d’agir, c’est maintenant, alors que l’état d’urgence dans tout le pays est déclaré.
L’Ethiopie n’a pas intérêt à se laisser incendier par ses propres fils.
La solution est la refondation de la Fédération, avec une décentralisation parfaitement assumée, dans le respect scrupuleux des identités multiples qui font cependant osmose, dans un territoire où l’Histoire a tracé des sillons profonds, héritage de toute l’humanité.
L’onde choc du conflit éthiopien va toucher toute la Corne de l’Afrique et secouer à des degrés divers, l’ensemble du continent.