La chaîne de blocs, ou blockchain, technologie à la base des monnaies virtuelles comme le bitcoin, pourrait modifier en profondeur le système bancaire. Pour éviter d’être dépassés et de disparaître, les établissements cherchent à capter cette nouvelle source de valeur.
Selon le cabinet IDC, 2,1 milliards de dollars seront investis dans la blockchain dans le monde entier en 2018, dont un tiers rien que par le secteur financier.
Au-delà de la blockchain, ce sont plus largement les technologies de DLT “distributed ledger technology”, ou “technologie de registres distribués” qui intéressent les banques.
Il y a deux mois, ING et Crédit Suisse, qui travaillent sur les DLT au sein d’un consortium avec Goldman Sachs, Commerzbank, UBS et CIBC, ont réussi un échange de titres à travers un réseau s’inspirant de la blockchain.
Environ 25 millions d’euros d’obligations ont ainsi été transmis presque instantanément, alors que la livraison prend un jour ou plus habituellement. Cette méthode permet de digitaliser les actifs, de gagner du temps et d’optimiser les coûts même s’il est encore difficile de mesurer précisément les gains financiers, a expliqué à l’AFP Hervé François, responsable de projet blockchain chez ING.
Contrairement à un échange classique, les titres n’ont pas bougé physiquement : ce sont des jetons virtuels, donnant un droit de propriété sur les actifs, qui ont été échangés.
Ce procédé, appelé “tokenisation”, permet de rendre des actifs plus liquides.
Virements ultra-rapides
« La blockchain, en permettant d’éliminer les tiers de confiance à travers le partage d’une base de données, a le potentiel pour considérablement changer la manière dont une large gamme de services est exécutée » affirme Colin Ellis, analyste pour l’agence financière Moody’s et coauteur d’une étude sur ce sujet.
Au cœur de cette évolution : les transactions internationales
Aujourd’hui, un virement bancaire entre deux pays nécessite une multitude d’intermédiaires bancaires pour assurer le suivi de la transaction.
D’après M. Ellis, avec un registre partagé, l’information pourrait circuler plus rapidement et le nombre d’intermédiaires être limité, permettant de réduire les coûts opérationnels.
Depuis deux semaines, la banque espagnole Santander permet justement à certains de ses clients d’envoyer de l’argent à l’étranger avec un taux de change connu à l’avance, grâce à la blockchain.
Enfin, autre innovation permise par la blockchain, les “contrats intelligents” qui ouvrent la possibilité de transactions, réalisées automatiquement dès lors qu’une condition définie est remplie. Ces contrats, infalsifiables, présentent l’avantage d’empêcher les querelles d’interprétation.
Pressions concurrentielles
Si les banques travaillent sur la blockchain, ce n’est pas seulement par opportunisme, mais aussi par nécessité.
« Il y aura des gagnants et des perdants, et ces derniers seront ceux qui n’auront effectué aucun changement dans leur modèle », a expliqué Anish Mohammed, spécialiste de la blockchain et directeur de recherche à l’université SRH de Berlin.
Selon lui, les banques seront confrontées à la pression de nouveaux acteurs, comme en témoigne la multiplication des banques sur internet et des crypto monnaies promettant des frais minimes à leurs utilisateurs.
Face à cette menace, toutes les banques ne seront pas égales, certaines étant plus dépendantes que d’autres des commissions, a souligné Moody’s. C’est le cas des banques suisses (50% de leurs revenus proviennent des commissions) ou des banques italiennes, canadiennes et israéliennes (environ 35%).