Annoncée par l’armée nigérienne, la mort de Bakura, chef du groupe Boko Haram, est contestée par l’organisation terroriste qui parle de « propagande ». Les experts appellent à la prudence face à une information difficile à vérifier.
L’annonce avait des allures de coup dur pour Boko Haram. Jeudi soir, l’armée nigérienne affirmait avoir tué Ibrahim Mahamadou, alias Bakura, chef du groupe terroriste, lors d’une frappe aérienne « chirurgicale » menée le 15 août dans le bassin du lac Tchad. Mais, à peine 24 heures plus tard, Boko Haram dément catégoriquement.
Dans un message audio transmis à l’AFP par une source sécuritaire, un lieutenant de Bakura assure que la nouvelle est « complètement fausse ». « Je suis actuellement avec lui, nous sommes ensemble », affirme-t-il en hausa, qualifiant l’annonce de Niamey de « propagande ».
Une opération ciblée, mais sans preuve tangible
Selon l’armée nigérienne, l’opération s’est déroulée « très tôt » sur l’île de Shilawa, dans le sud-est du pays. Trois frappes successives, menées par un aéronef de chasse, ont visé des positions que Bakura « avait l’habitude d’occuper ». Âgé d’une quarantaine d’années et originaire du Nigeria, le chef terroriste était considéré comme l’un des hommes les plus recherchés de la région. Son nom est lié à plusieurs attaques meurtrières, dont l’enlèvement de plus de 300 élèves à Kuriga (Nigeria) en mars 2024, des attentats suicides contre des lieux civils, ainsi que des offensives contre les armées nigériane, nigérienne, tchadienne et camerounaise.
Toutefois, aucune preuve visuelle n’a été fournie par les autorités nigériennes, et l’AFP n’a pas pu confirmer de manière indépendante la mort du chef terroriste.
Des précédents qui incitent à la prudence
Les spécialistes appellent à la retenue. « Il faut être très prudent : on a déjà annoncé plusieurs fois la mort de leaders terroristes, et ces informations ont souvent été démenties », rappelle Vincent Foucher, chercheur au CNRS et expert de Boko Haram. Selon lui, comme pour un autre analyste européen qui souhaite rester anonyme, Bakura serait toujours en vie.
Le précédent d’Abubakar Shekau reste dans les mémoires. L’ancien chef de Boko Haram avait été donné pour mort à plusieurs reprises dans les années 2010 avant d’être confirmé décédé en 2021, laissant la place à Bakura.
Un contexte sécuritaire toujours instable
Actif depuis 2009, Boko Haram a fait environ 40 000 morts et déplacé plus de deux millions de personnes au Nigeria et dans la région du lac Tchad. Le Niger, confronté à ce groupe depuis 2015, doit également faire face à d’autres organisations affiliées à Al-Qaida et à l’État islamique dans l’ouest du pays, près des frontières avec le Burkina Faso et le Mali.
Deux ans après le coup d’État militaire, Niamey peine encore à contenir les violences terroristes sur ses deux fronts.