Aujourd’hui, nous poursuivons l’analyse du document « Jubbanti Koom » et en particulier son impact social. Ousmane Sonko promet de renforcer les aides aux ménages vulnérables et de baisser les prix des denrées (p. 34), mais impose simultanément des hausses de taxes sur des biens essentiels, comme les véhicules importés (39 milliards de FCFA projetés), le tabac porté à 100 % (répété ad nauseam comme un mantra fiscal, p. 22), et les exportations de noix de cajou (15,84 milliards FCFA) ou d’arachide (270 milliards FCFA, ibid.). Cette contradiction flagrante risque d’accroître l’inflation et les inégalités, pénalisant les ruraux et urbains vulnérables tout en favorisant une élite urbaine insensible à ces charges. Elle relève d’un populisme non sérieux, potentiellement menant à des troubles sociaux et à un gouffre économique.

Promesses incompatibles 

Le plan regorge d’engagements sociaux et sectoriels dont les coûts exorbitants contrastent avec les maigres économies annoncées, révélant une incohérence profonde qui trahit l’amateurisme de ses auteurs. Par exemple, il annonce un soutien massif aux ménages pauvres via des aides renforcées (p. 21), une facilitation des titres de propriété pour les plus démunis (ibid.), et un développement de plus d’une vingtaine de secteurs prioritaires, de l’agriculture-pêche-élevage aux logements sociaux et au tourisme (pp. 32-33). Ces mesures, si elles étaient chiffrées rigoureusement (ce que le document élude), impliqueraient des dépenses colossales : des centaines de milliards de FCFA pour subventionner les denrées et étendre la protection sociale (p. 34), sans compter les investissements sectoriels qui pourraient dépasser les 1 000 milliards FCFA sur trois ans, compte tenu des ambitions affichées. Or, les économies évoquées se limitent à une réduction marginale du train de vie de l’État, évaluée à seulement 100 milliards FCFA sur quatre ans (tableau p. 26), via des mesures cosmétiques comme l’optimisation des charges locatives ou la centralisation des achats publics (ibid.). Cet écart abyssal  démontre que le plan repose sur du vent fiscal, incapable de financer ses ambitions sans creuser les déficits.

Cette contradiction s’illustre particulièrement dans la politique de soutien au pouvoir d’achat, en contradiction avec la hausse des taxes indirectes. D’un côté, le document vante une « amélioration de la situation sociale des ménages en milieux rural et urbain » et une « facilitation de l’action de nouvelles mesures de baisse des prix des denrées » (p. 34), visant à atténuer une pauvreté touchant 36 % de la population et un chômage à 20 %. De l’autre, il multiplie les taxes régressives sur des biens essentiels : les véhicules importés, cruciaux pour le transport rural et les petits commerçants ; le tabac, dont le taux passe de 70 % à 100 % (p. 22), frappant durement les classes populaires où la consommation est élevée ; et les exportations agricoles comme l’arachide et les noix de cajou, qui pèseront sur les revenus des paysans, déjà fragilisés par des crises récurrentes (comme celle de 2024 pour les cajous, où les prix bas ont ruiné des transformateurs). Ces hausses, projetées pour générer des centaines de milliards, alimenteront l’inflation et creuseront les inégalités, avec un effet boomerang sur les ménages vulnérables que le plan prétend protéger. Ousmane Sonko, dont la formation en inspection des impôts ne compense pas un manque évident d’expertise en économie sociale, semble ignorer que de telles taxes indirectes sont régressives par nature, absorbant une part disproportionnée des revenus modestes tout en épargnant les élites urbaines.

 

Austérité proclamée vs. boulimie de promesses sociales et sectorielles :

D’un côté, le plan clame une « réduction de la taille de l’État » (p. 13) et une optimisation des dépenses (p. 14), avec une réduction du train de vie limitée à 100 milliards de FCFA (pp. 24-26), présentée comme un pilier de bonne gouvernance. De l’autre, il déverse une pluie de promesses : soutien massif aux ménages (p. 21), développement de secteurs prioritaires comme l’agro-industrie et le BTP (pp. 32-33), et renforcement du socle de protection sociale (p. 34). Cette boulimie est incompatible avec l’austérité : les 100 milliards d’économies paraissent dérisoires face aux engagements, qui impliqueraient des subventions massives pour stabiliser les prix et étendre les aides, dans un contexte où l’investissement public a chuté de 30 % au premier trimestre 2025. De plus, l’objectif de stabilité des prix (implicite dans les baisses des denrées, p. 34) est saboté par la taxation accrue sur les produits importés et de consommation (pp. 22-23), qui renchérira les coûts de vie quotidienne.

Enfin, la volonté de « faciliter l’accès à l’électricité et au foncier » pour le privé (p. 21) bute sur des hausses annoncées de droits et redevances, comme celles sur les loyers d’État (p. 22), risquant d’exclure les vulnérables du marché foncier et énergétique. Trois exemples concrets : d’abord, les taxes sur les exportations agricoles pénaliseront les ruraux, aggravant des disparités où près de 75 % des pauvres vivent en campagne ; ensuite, la hausse sur les véhicules importés freinera la mobilité urbaine, touchant les transporteurs informels ; troisièmement, l’augmentation du tabac ciblera les bas revenus sans alternatives sanitaires, creusant les écarts de santé. Ce populisme amateur, qualifié de « thérapie de choc » par des critiques soulignant son absence de vision équilibrée, pourrait enflammer des troubles sociaux, comme ceux vus lors de protestations passées contre l’austérité. Sonko, sans le niveau ni la formation pour diriger un gouvernement, bricole un plan qui dilapide la confiance ; Diomaye Faye, en le laissant faire, partage cette irresponsabilité, trahissant les espoirs d’une nation assoiffée de justice sociale réelle.

Demain, suite de notre analyse du document « Jubbanti Koom », avec une analyse de la gouvernance.