Le 1er août 2025, Ousmane Sonko, Premier ministre du Sénégal, a dévoilé avec une assurance déconcertante son « Plan de redressement économique et social », baptisé « Jubbanti Koom », sous la supervision passive du Président Bassirou Diomaye Faye. Présenté comme une panacée pour remédier à la crise héritée du régime précédent, ce programme ambitionne de mobiliser 5 667 milliards de francs CFA (environ 8,6 milliards d’euros) sur trois ans, sans recourir à l’endettement extérieur. Sonko, avec son discours emphatique sur la souveraineté, promet une renaissance fondée sur des ressources internes à 90 %. Mais derrière cette rhétorique populiste se cache une vision archaïque, isolationniste et dangereusement inadaptée, qui risque de plonger le Sénégal dans un abîme économique profond. Au lieu de propulser le pays vers l’avenir, ce plan le condamne à un repli sur soi stérile, asphyxiant les moteurs de croissance et ignorant les dynamiques globales contemporaines.

Examinons d’abord les contours de ce plan, tel qu’articulé par Sonko lors de sa présentation au Grand Théâtre de Dakar. Au cœur du dispositif figure une batterie de mesures fiscales destinées à gonfler les recettes internes. Parmi elles, une augmentation des taxes sur les jeux en ligne, le tabac et les paris sportifs, avec une imposition non seulement sur les gains des sociétés mais aussi sur les mises des parieurs – une mesure qui pourrait rapporter des centaines de milliards de francs CFA, selon les estimations gouvernementales. Le secteur digital, le foncier et les mines font l’objet d’une fiscalité accrue, tandis que des frais sont introduits pour le secteur audiovisuel, incluant des tarifs standardisés sur les publicités et les services numériques. Par ailleurs, le plan prévoit la régularisation des contrats à la Senelec, la compagnie nationale d’électricité, afin de lutter contre la fraude technique et récupérer plus de 90 milliards de francs CFA. Une concession aux diasporas est faite en relevant l’âge limite des véhicules importés, répondant à une demande ancienne mais risquant d’inonder le marché de vieux engins polluants. Sur le plan budgétaire, le gouvernement s’engage à réduire les dépenses publiques, à mieux cibler les subventions et à ramener le déficit budgétaire de 12 % du PIB en 2024 à 3 % d’ici 2027. Enfin, Sonko annonce un remaniement ministériel imminent pour aligner l’équipe gouvernementale sur ces priorités. L’ensemble repose sur un refus catégorique de la dette externe, avec un accent mis sur la mobilisation de ressources domestiques et le respect des engagements internationaux, tout en évitant de « vendre nos ressources naturelles et foncières », comme l’a martelé Sonko.

Cette architecture, si elle paraît cohérente sur le papier, révèle en réalité une série de failles béantes qui précipiteront, de façon certaine, le Sénégal dans une spirale régressive.

Premièrement, l’asphyxie fiscale imposée par ces hausses de taxes étouffera l’économie naissante. En alourdissant la charge sur les secteurs dynamiques comme les mines, le plan découragera les investissements étrangers et locaux, essentiels à une croissance inclusive. Historiquement, des politiques similaires en Afrique ont conduit à l’évasion fiscale et à la contraction économique ; en Zambie, par exemple, les augmentations fiscales sur les mines dans les années 2010 ont provoqué une chute des investissements miniers de 30 %, aggravant le chômage et la pauvreté.

Deuxièmement, ce plan consacre un repli isolationniste mortifère, en refusant tout recours à la dette externe et en misant exclusivement sur des ressources internes. Sonko clame que « 90 % des ressources proviendront de la mobilisation interne sans dette extérieure », mais cette posture souverainiste ignore les réalités interconnectées du monde. Elle évoque les erreurs du passé, comme l’Ujamaa de Julius Nyerere en Tanzanie dans les années 1970, où le collectivisme rural et le refus des partenariats internationaux ont entraîné une chute du PIB de 20 % et une famine généralisée, isolant le pays pendant des décennies. Sous Faye et Sonko, le Sénégal s’engage sur cette voie périlleuse, se repliant sur lui-même au lieu d’exploiter les opportunités des chaînes de valeur globales.

Troisièmement, ces recettes sont anachroniques, tirées d’un manuel des années 1960-1970, inadaptées aux mutations géopolitiques actuelles. Le monde multipolaire de 2025, marqué par les rivalités sino-américaines et l’influence russe en Afrique, exige des partenariats flexibles pour capter les investissements dans les énergies renouvelables ou les infrastructures. Pourtant, le plan de Sonko ignore ces dynamiques, préférant une autarcie qui risque d’exclure le Sénégal des flux commerciaux croissants. L’Afrique connaît une croissance projetée à 3,5 % en 2025, la deuxième plus rapide au monde, mais elle repose sur des réformes ouvertes et des alliances internationales, non sur un isolement budgétaire. Faye et Sonko, obnubilés par leur rhétorique anti-impérialiste, condamnent le pays à la marginalisation.

Quatrièmement, le plan fait fi du changement climatique, qui ravage déjà l’économie sénégalaise. Avec une baisse des précipitations annuelles et une variabilité accrue, les rendements agricoles chutent, tandis que la mortalité du bétail augmente et les forêts disparaissent. Des inondations et l’érosion côtière menacent la sécurité alimentaire, exacerbant la malnutrition. Or, nulle mention dans le plan de mesures d’adaptation, comme des investissements en irrigation résiliente ou en assurance climatique. Sans cela, l’économie pourrait perdre 2 % de PIB d’ici 2030, selon des projections expertes, creusant la pauvreté de 40 % supplémentaires.

Enfin, l’absence totale de référence à l’intelligence artificielle (IA) et aux changements technologiques confine cette vision à un passé obsolète. L’IA pourrait transformer l’économie du Sénégal, révolutionner l’agriculture africaine via des prédictions de récoltes, booster la santé par des diagnostics automatisés, et créer des emplois dans l’éducation numérique, potentiellement triplant le revenu par habitant d’ici 2050. En Afrique, l’IA favorise déjà une croissance inclusive, mais Sonko et Faye, englués dans leur paradigme rétrograde, l’ignorent, rétrécissant le rôle du Sénégal sur le continent et dans le monde à une entité racornie, déconnectée des innovations globales.

En somme, ce plan n’est pas un redressement, mais une dérive funeste. Sous l’égide inepte de Sonko et Faye, le Sénégal court vers un gouffre économique, sacrifiant son potentiel sur l’autel d’une idéologie dépassée. Il est urgent de repenser cette trajectoire pour une vision ouverte, moderne et résiliente, avant que l’irréparable ne soit commis.