Le président américain Donald Trump a défendu lundi sa décision controversée d’accueillir en tant que réfugiés un groupe de 49 Afrikaners en provenance d’Afrique  Sud, invoquant une « situation terrible » pour ces descendants des premiers colons européens. Cette initiative, qui détonne avec le durcissement général de sa politique migratoire, a été vigoureusement contestée par Pretoria.

Une décision qui interroge

Cet accueil intervient dans un contexte où l’administration Trump a largement restreint l’accès des demandeurs d’asile aux États-Unis, tout en multipliant les expulsions d’immigrés clandestins. Pourtant, le président américain a justifié cette exception en évoquant un « génocide » présumé, affirmant que « des agriculteurs se font tuer » et que « la situation en Afrique du Sud est terrible ». « Nous avons donc proposé la nationalité à ces gens pour leur permettre d’échapper à cette violence et de venir ici », a-t-il précisé depuis la Maison Blanche.

Cette rhétorique tranche avec la réalité sur le terrain, où les statistiques montrent un tableau plus nuancé. Selon le groupe identitaire AfriForum, 49 meurtres de fermiers blancs ont été recensés en 2023, contre 50 l’année précédente. Toutefois, ces chiffres, bien que préoccupants, doivent être mis en perspective avec les 75 meurtres quotidiens en moyenne enregistrés en Afrique du Sud, l’un des pays les plus violents au monde. De plus, les experts en sécurité soulignent que ces violences ne sont pas spécifiquement dirigées contre les Blancs, mais touchent toutes les communautés.

Pretoria réplique avec fermeté

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a rapidement réagi en rejetant cette vision alarmiste. « Un réfugié est quelqu’un qui doit quitter son pays par peur de persécution politique, religieuse ou économique. Ils ne correspondent pas à cette définition », a-t-il déclaré lors d’un forum économique africain à Abidjan. Ramaphosa a également accusé ce groupe de 49 Afrikaners de représenter une frange marginale, hostile aux réformes et à la transformation du pays. « Ce sont des gens qui préféreraient voir l’Afrique du Sud revenir aux politiques d’apartheid », a-t-il lancé, soulignant que leur situation ne justifie en rien une demande d’asile.

Des enjeux politiques plus larges

Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large de tensions diplomatiques entre Washington et Pretoria. L’administration Trump a récemment suspendu plusieurs programmes d’aide à l’Afrique du Sud, notamment en réaction à la plainte déposée par Pretoria contre Israël devant la Cour internationale de justice, accusant l’État hébreu de « génocide » pour ses actions à Gaza. Cette posture, perçue comme une provocation à Washington, a contribué à tendre les relations entre les deux pays, malgré les tentatives de Ramaphosa pour apaiser le climat.

Un débat sur les chiffres

Pour les observateurs, les accusations de persécution avancées par Trump sont difficiles à étayer. Loren Landau, directeur de l’observatoire des violences xénophobes Xenowatch, a déclaré que « les Blancs sont victimes de crimes, comme tout le monde en Afrique du Sud, mais y a-t-il des Blancs spécifiquement visés ? Absolument aucun. » Il a également rappelé que les étrangers sont bien plus souvent ciblés par des actes de violence xénophobe, citant les attaques régulières contre les Somaliens, les Pakistanais et les Zimbabwéens.

Des terres toujours en débat

La minorité blanche, qui représente un peu plus de 7 % de la population sud-africaine, possédait encore 72 % des terres agricoles en 2017, selon des données gouvernementales. Cet héritage inégalitaire, fruit de décennies de ségrégation raciale et de spoliation des terres pendant l’apartheid, reste une question extrêmement sensible en Afrique du Sud, où des réformes foncières sont en cours pour tenter de corriger ces injustices historiques.

Alors que les États-Unis s’apprêtent à accueillir ce groupe d’exilés, Pretoria continue de nier toute persécution à l’encontre des Afrikaners et maintient que ces derniers ne remplissent pas les critères du statut de réfugié. La question reste donc ouverte, entre discours politiques et réalités complexes sur le terrain.