Le Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique, a adopté cette semaine une nouvelle législation visant à bénéficier d’un meilleur partage des ressources avec les majors internationaux. Une mesure qualifiée de « moment décisif » par le président nigérian Muahammdu Buhari.
Selon Abuja, qui revendique une « part équitable » de ses revenus pétroliers, cet amendement, présenté comme une évolution historique, ramènera des milliards de dollars dans les coffres de l’État.
Mais des experts y voient surtout une tentative mal préparée pour grossir sa trésorerie dans un contexte économique difficile et mettent en garde sur le risque de faire fuir les investisseurs étrangers, analyse l’AFP.
La nouvelle loi redéfinit les accords de partage de production et redessinent la loi sur l’offshore profond, en vigueur et inchangée depuis son adoption en 1993, lorsque le Nigeria était encore gouverné par un régime militaire.
Le texte stipulait que ces accords entre l’État et les compagnies pétrolières internationales devaient être révisés si le prix du baril dépassait les 20 dollars. Mais bien que le brut ait très largement dépassé ce seuil au cours des 20 dernières années, la formule de partage des revenus n’avait jamais été révisée.
Le gouvernement du président Buhari a d’ailleurs accusé ses prédécesseurs d’avoir poursuivi des intérêts personnels, en veillant à ce que l’essentiel des revenus pétroliers reste entre les mains des privés.
De nombreux responsables politiques nigérians ont en effet investi dans l’exploitation et la commercialisation du pétrole, voire obtenu des permis sur des gisements alors qu’ils étaient en fonction.
Le gouvernement a donc introduit un « taux de redevance » qui suit l’évolution des prix du pétrole -atteignant 10% lorsque le baril dépasse les 150 dollars-. En outre, les sociétés pétrolières paieront désormais une taxe forfaitaire de 10% sur les champs en mer et de 7,5% sur les champs on-shore, à des profondeurs spécifiées.
La présidence estime que ces changements vont permettre de générer des revenus supplémentaires d’au moins 1,5 milliard de dollars d’ici 2021. Ces prévisions optimistes pourraient toutefois tomber à l’eau si les opérateurs étrangers décident de revoir à la baisse leurs investissement dans un contexte qui leur est moins favorable. Environ la moitié des dépenses publiques sont financées par les revenus du pétrole.
Ces dernières années, notamment lorsque la récession a frappé le Nigeria en 2016, l’État a progressivement accru la pression sur certaines des majors mondiales -Shell, Exxon Mobil, Chevron Eni, Total et CNOOC- qui extraient la majorité du pétrole brut du pays.
À la mi-octobre, le gouvernement a suscité une vaste polémique en réclamant rétroactivement 62 milliards de dollars aux multinationales du secteur, estimant que c’est la part qu’il aurait du percevoir si la législation avait été modifiée avant.