La justice française vient d’ordonner un procès pour corruption contre l’ancien patron de l’IAAF (Association internationale des fédérations d’athlétisme) Lamine Diack et son fils. Et ce, près de cinq ans après la révélation du scandale autour d’un « pacte au sommet de l’athlétisme mondial pour couvrir des athlètes russes dopés ».
Lamine Diack a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour répondre de « corruption active et passive » et « blanchiment en bande organisée », au terme d’investigations lancées à l’été 2015. Le procès ne devrait pas se tenir avant plusieurs mois, selon l’AFP.
Un trio de juges d’instruction, sous la houlette de Renaud Van Ruymbeke, a signé le 19 juin une ordonnance de 89 pages, conforme aux réquisitions du parquet national financier. Ils ordonnent également un procès contre cinq autres protagonistes, acteurs présumés d’un programme dit de « full protection » (protection totale) lié au dopage institutionnalisé en Russie entre 2011 et 2015.
Ce scandale a eu de lourdes conséquences pour la Russie, qui reste privée à ce jour de compétitions mondiales d’athlétisme. Moyennant des « contreparties financières », ce programme garantissait la protection des athlètes russes ciblés pour dopage. Au total, 3,45 millions d’euros avaient été réclamés directement ou indirectement aux athlètes, selon l’ordonnance. Selon l’AFP, Lamine Diack s’était notamment appuyé sur son fils Papa Massata Diack, surnommé “PMD”, ex-puissant conseiller de l’IAAF en charge du dossier des juteux droits marketing. Son rôle est considéré comme « central » dans les malversations au sein de l’IAAF.
Ce personnage, au croisement de plusieurs enquêtes pour corruption au sommet du sport mondial, clame son innocence depuis Dakar où il est installé. Mais il n’a jamais pu être entendu par la justice française malgré un mandat d’arrêt. Il est renvoyé pour « blanchiment en bande organisée », « corruption active » et « complicité de corruption passive », au côté de Habib Cissé, ex-conseiller de Lamine Diack, et de l’ancien chef antidopage de l’IAAF, Gabriel Dollé, poursuivis pour « corruption passive ».
Révélé fin 2014 par la chaîne allemande ARD, ce scandale a depuis mis au jour d’autres soupçons de corruption en marge de l’attribution des Jeux olympiques de 2016 à Rio et de 2020 à Tokyo.
À l’époque, la marathonienne Lilya Shobukhova, épinglée pour un « usage massif » d’EPO, avait reconnu avoir dû régler 450.000 euros pour éviter des sanctions. Finalement suspendue, elle avait demandé à être remboursée et 300.000 euros lui étaient revenus via le compte d’une « coquille vide » à Singapour, Black Tidings, liée à Papa Massata Diack.
En 2011, à un an des JO de Londres, l’IAAF disposait d’une liste de 23 athlètes suspectés de dopage dont de futurs médaillés, comme Sergey Kirdyapkin (50 km marche) et Olga Kaniskina (20 km marche), ou Shobukhova. Or les procédures de sanctions, « ont été volontairement retardées par l’IAAF pour leur permettre de participer aux JO de Londres et pour certains, aux championnats de Moscou (2013) », relèvent les juges.