Le dernier rapport d’Oxfam critique les insuffisances de la fiscalité marocaine face aux inégalités.

Dans son nouveau rapport « Un Maroc égalitaire, une taxation juste », présenté à la veille des Assises de la fiscalité qui auront lieu les 3 et 4 mai, l’ONG Oxfam au Maroc vient de dresser un état des lieux des plus accablants sur les inégalités au Maroc.

Le rapport en question, et dont « Afriqueconfidentielle » détient une copie apporte plus de lumière sur le fossé entre les plus riches et les plus pauvres qui continue de se creuser au niveau mondial. Selon le document le Maroc n’échappe pas à cette tendance et se place comme « l’un des pays les plus inégalitaires de la région et dans la moitié la plus inégalitaire de la planète ».

Pour mieux illustrer ces inégalités, Oxfam explique qu’en 2018, les trois milliardaires marocains les plus riches détenaient à eux seuls 4,5 milliards de dollars, tandis qu’à l’extrême opposé, 1,6 million de personnes sont en situation de pauvreté, et un Marocain sur huit est en situation de vulnérabilité. « C’est-à-dire susceptible de basculer dans la pauvreté à tout moment », selon le rapport.

Expliquant les raisons de ces inégalités, le document affirme qu’il y a des choix politiques et économiques que le débat sur le modèle de développement au Maroc, lancé par le roi en octobre 2018, doit prendre en considération.

« Services publics défaillants et sous-financés, chômage et précarité au travail, discriminations envers les femmes, système fiscal injuste », le rapport d’Oxfam met en lumière la panne de l’ascenseur social qui sévit au Maroc et creuse le fossé entre les plus riches et les plus pauvres.

Plus en détails, Oxfam affirme que 82% des recettes de l’impôt sur les sociétés proviennent de seulement 2% des sociétés au moment où « le montant des pertes fiscales subies par le Maroc chaque année du fait des pratiques fiscales des multinationales s’élève à 2,45 milliards de dollars ». Décortiquant les défaillances du service public, l’ONG assure que près de la moitié (46%) de la population active ne bénéficie pas d’une couverture médicale et les pensions de retraites des femmes sont inférieures de 70% à celles des hommes alors que dans les zones rurales, seulement 64% des habitants sont branchés à un réseau d’eau potable.

Oxfam n’est pas la seule organisation à tirer sur les inégalités dans le pays à l’approche des assises de la fiscalité. Selon le parti du Progrès et du Socialisme (PPS), faisant partie de la coalition gouvernementale, la fiscalité dans le pays a besoin d’une révision complète.

Plusieurs constats dressés par ce parti de gauche affirment que les inégalités fiscales ne cessent de se creuser. Plus en détails, le parti affirme que 62% des 16.000 médecins au Maroc paient moins de 10.000 DH d’IR par an. Dans le même sens, plus de 5000 commerçants grossistes versent moins de 5000 DH d’IR ou d’IS par an alors que 47.000 entreprises du commerce de gros réalisent un chiffre d’affaires annuel de 53 Mds DH, sans déclarer de résultats.

« Sur la période 2006 à 2013, les dérogations fiscales ont totalisé pour un pays à revenu intermédiaire comme le Maroc la somme hallucinante de 234 Md DH, soit 1.3 fois les recettes fiscales prévues en 2014 ou plus de 28% de la richesse produite chaque année ! Et encore, ce chiffre ne reflète pas toute la réalité, puisque sur les 412 dispositions dérogatoires recensées par l’administration fiscale en 2013, seules 302 ont fait l’objet d’une évaluation qui est parfois discutable. L’État ne dispose donc d’aucune visibilité sur l’impact financier des 110 dépenses fiscales non mesurées, mais les maintient en acceptant l’opacité totale », lit-on sur un document du parti qui sera soumis comme proposition lors des assises prévues à Rabat les 3 et 4 mai.