Une foule compacte a défilé vendredi à Alger pour la 23ème semaine consécutive, au milieu d’un important dispositif policier. Lors des marches, les manifestants ont contesté toute légitimité au « panel » désigné la veille par le pouvoir pour mener un « dialogue » sur les modalités d’une présidentielle rejetée par la contestation.
Désigné jeudi au sein du « Panel de médiation », Karim Younes, ex-président de la Chambre basse et ancien ministre de Bouteflika, a rejoint le général Gaïd Salah et le président par intérim Abdelkader Bensalah parmi les cibles des manifestants qui ont notamment scandé : « Karim Younes, dégage ».
Karim Younes dit « qu’il veut mener le dialogue avec le peuple », alors qu’en 2001, il était membre du gouvernement « quand les manifestations contre le pouvoir ont été réprimées dans le sang en Kabylie », lors du « Printemps noir » qui a fait 126 morts, s’insurge Mohamed, fonctionnaire de 44 ans, cité par l’AFP, venu de Béjaïa, à 180 km à l’est d’Alger.
« Nous refusons le dialogue avec le gang au pouvoir », proclame sur une pancarte Farid, agent immobilier de 51 ans, pour qui les six membres du panel « cherchent des postes ». L’un d’eux, l’économiste et président de l’association Algérie conseil export (ACE), Smail Lalmas, qui manifestait vendredi à Alger, a été encerclé par des manifestants lui reprochant d’avoir accepté de siéger au panel.
« Je suis de ceux qui sont contre le dialogue avec le régime », mais le rôle du panel est d’organiser « un dialogue avec des personnalités, des partis, des syndicalistes, des gens du Hirak », le mouvement de contestation, s’est-il défendu.
Il a précisé que des conditions avaient été posées à Bensalah : limogeage du gouvernement du Premier ministre Noureddine Bedoui, libération des personnes arrêtées en lien avec la contestation, caractère contraignant des décisions du panel, notamment. « Si ces conditions ne sont pas satisfaites, nous n’irons pas au dialogue », a-t-il assuré.
Les autres membres du Panel sont un ancien membre de la Chambre haute nommé sur le quota présidentiel par Bouteflika, une professeure de droit public, un syndicaliste et un universitaire. « Ces gens ne nous représentent pas », estime Hmida Benssad, 46 ans.
Le régime a fait plusieurs offres de dialogue pour sortir de la crise, jusqu’ici toutes refusées. Mais la dernière proposition de Bensalah, le 3 juillet, d’un dialogue sans participation de l’État ou de l’armée pour définir les modalités d’organisation du scrutin, a semblé susciter l’intérêt d’une partie de la classe politique et de la société civile. Mais pas celui des manifestants.