À défaut de dire que la montagne a accouché d’une souris, l’on pourrait voir à travers “les révélations” du président turc, Recep Tayyip Erdogan un langage diplomatico-géostratégique.
D’abord, Erdogan commence par donner une bonne note à l’Arabie Saoudite, mais en les enfermant dans une sorte de ghetto : “ En reconnaissant le meurtre, le gouvernement saoudien a fait un pas important. Ce que nous attendons de lui, maintenant, c’est qu’il mette au jour les responsabilités de chacun dans cette affaire, du sommet à la base, et qu’ils les traduisent en justice “, a déclaré le Président turc ce mardi 23 octobre 2018 devant le groupe parlementaire de son parti.
Poursuivant sa politique de distiller les informations au compte-gouttes, M. Erdogan affirme : ” le meurtre de Khashoggi a été planifié plusieurs jours à l’avance. À ce stade de l’enquête, tous les éléments et preuves dont nous disposons, indiquent que Jamal Khashoggi a été victime d’un meurtre sauvage, mais prémédité “, a asséné Recep Tayyip Erdogan.
Attendu sur des révélations concernant le lieu où se trouverait le corps de Jamal Khashoggi, M. Erdogan préfère se poser des questions au lieu d’apporter des réponses : “ Pourquoi le corps de Jamal est-il toujours introuvable ? Qui a donné les ordres aux tueurs ? “, s’est-il demandé devant des parlementaires médusés. Cependant, le président turc a constaté que le jour du meurtre ” Le disque dur du système de vidéosurveillance du consulat était démonté “ d’où la possible complicité du personnel local.
Il a ajouté que des “repérages” avaient été effectués dans une forêt voisine, avant l’exécution du forfait, ce qui prouve que le corps pourrait bien être dissimulé quelque part dans cette forêt. Des informations persistantes révèlent que des parties du corps auraient été retrouvées dans un puits, situé dans le jardin du consul. M. Erdogan qui qualifie cet assassinat de “politique” s’est pourtant abstenu de parler de l’existence d’éventuels enregistrements sonores ou visuels, dont la presse turque a fait, pourtant, ses choux gras ces jours derniers.
Pour ne pas couper les ponts avec le rival diplomatique dans la région, Recep Tayyib Erdogan a exprimé “ sa confiance au roi Salman Ben Abdelaziz pour une meilleure coopération avec la Turquie dans le cadre d’une enquête sérieuse et transparente “, sans jamais mentionner le nom de Mohammed Ben Salman (MBS) que certains voyaient déjà au cœur de l’opération.
Auparavant, la presse avait évoqué une démarche diplomatique de Son Altesse le Prince Khaled Ben Salman, frère cadet de MBS et actuel ambassadeur de l’Arabie Saoudite aux USA. Ce dernier aurait négocié ferme avec Erdogan pour que le dossier soit géré dans un partenariat confidentiel entre l’Arabie Saoudite, les États-Unis et la Turquie. En dépit des antagonismes qui opposent les deux premiers nommés à la Turquie, nous sommes d’avis que le caractère très sensible de cette affaire, exigerait d’importantes concessions, de part et d’autre.
Certains analystes, voient en Khaled Ben Salman (KBS) un futur Vice-Prince héritier, comme tremplin vers le poste de futur numéro 2 du royaume. En tout cas, le dossier Khashoggi, quel que soit le traitement qu’on en fera, ne manquerait pas de laisser des stigmates indélébiles sur l’image de MBS, ce qui pourrait le pousser-ne serait-ce que provisoirement- à se replier derrière les écrans, en faveur de son frère Khaled, dont la formation militaire, académique et diplomatique prédestine à gérer des situations de crise.