Le numéro deux de l’exécutif cubain Miguel Diaz-Canel a été désigné mercredi comme unique candidat pour succéder au président Raul Castro, ce qui mettra fin à six décennies de pouvoir exclusif des frères Castro.
« Au nom de la Commission nationale de candidatures, j’ai la responsabilité et l’honneur de vous proposer comme président du Conseil d’État et des ministres de la République de Cuba le camarade Miguel Mario Diaz-Canel Bermudez », a déclaré devant l’Assemblée Gisela Duarte, présidente de cette Commission.
Sa nomination officielle aux plus hautes fonctions doit être confirmée jeudi matin après le vote des députés, qui n’ont pas pour tradition de contester les propositions de la Commission de candidatures. Des charges lourdes pour un homme au profil plutôt discret qui a gravi dans l’ombre les échelons du pouvoir.
Mercredi, le président et son successeur étaient apparus tout sourire à l’ouverture de la session inaugurale de l’Assemblée issue des législatives de mars, et Raul Castro a donné une franche accolade à son dauphin au moment de l’annonce de sa candidature, sous l’ovation des députés.
Depuis la révolution de 1959, Cuba n’a connu qu’une seule véritable transition à sa tête. En 2006, quand Fidel Castro, en proie à la maladie, a passé le témoin à son frère cadet après plus de 40 ans de pouvoir sans partage.
Une fois au pouvoir, Raul Castro a engagé une série de réformes autrefois impensables comme l’ouverture de l’économie au petit entrepreneuriat privé, et a surtout orchestré un rapprochement spectaculaire avec les États-Unis, l’ennemi de la Guerre froide.
En 2015, les deux pays ont renoué leurs relations diplomatiques, et l’année suivante le président américain Barack Obama a effectué une visite historique sur l’île. Mais depuis l’arrivée à la Maison blanche du républicain Donald Trump, la normalisation a subi un sérieux coup de frein.
Fidel s’est éteint fin 2016 et c’est au tour de Raul, 86 ans, de céder sa place, cette fois à un représentant de la nouvelle génération.
Numéro deux du régime depuis 2013, Miguel Diaz-Canel est un homme du système qui a été préparé à assumer les plus hautes fonctions. Il représente régulièrement son gouvernement à l’étranger et ses apparitions dans les médias sont de plus en plus fréquentes.
Avocat du développement d’internet sur l’île, il a su se donner une image de modernité tout en demeurant économe en déclarations. Mais il sait aussi se montrer intransigeant vis-à-vis de la dissidence ou de diplomates trop enclins à critiquer le régime.
Une fois sa nomination confirmée, cet ingénieur en électronique né après la révolution devra asseoir son autorité et poursuivre l’indispensable actualisation du modèle économique cubain esquissée par le cadet des Castro.
Une transition étudiée
Pour la première fois depuis des décennies, le président n’aura pas vécu la révolution de 1959, ne portera pas l’uniforme vert olive et ne dirigera pas le Parti communiste cubain (PCC).
Mais il pourra combler ce manque de légitimité grâce à Raul Castro, qui gardera la tête du puissant parti unique jusqu’en 2021. À ce poste, il devra mobiliser la vieille garde des historiques, perçus pour la plupart comme rétifs aux réformes les plus ambitieuses.
M. Diaz Canel pourra aussi compter sur le soutien de son futur numéro deux, Salvador Valdes Mesa. Ce syndicaliste et cadre de haut rang du parti âgé de 72 ans a été proposé pour assumer le poste de premier vice-président, qu’occupe actuellement l’héritier de Raul Castro.
« Cette transition n’est pas improvisée, elle est très bien étudiée et basée sur l’expérience jugée comme réussie de la transition entre Fidel et Raul », souligne l’expert cubain Arturo Lopez-Levy, professeur à l’Université du Texas Rio Grande Valley.
M. Diaz-Canel n’a jamais présenté de programme, mais il devra tenir compte des lignes directrices votées par le parti unique et le Parlement, qui dessinent les orientations politiques et économiques à suivre d’ici à 2030.
De l’avis des observateurs, le futur président sera surtout attendu sur le terrain économique et sur son aptitude à procéder aux réformes nécessaires pour redresser une économie stagnante (1,6% en 2017) et fortement dépendante des importations et de l’aide de son allié vénézuélien aujourd’hui affaibli.