Le président guinéen Alpha Condé a confirmé hier par décret le remplacement du président de la Cour constitutionnelle, Kéléfa Sall, par Mohamed Lamine Bangoura.

C’est le mercredi 3 octobre 2018 que le Président de la République, le Pr Alpha Condé a publié le décret confirmant l’élection de M. Mohamed Lamine Bangoura au poste stratégique de président de la Cour constitutionnelle et d’Amadou Diallo, son vice-président. Pour beaucoup de juristes, la mesure est illégale de bout en bout. Quant à l’opposition, elle voit qu’il s’agit d’une démarche anticonstitutionnelle qui prépare un autre coup de force constitutionnel d’Alpha Condé pour briguer un troisième mandat.

Le président Alpha Condé a validé par un décret présidentiel, publié le 3 octobre 2018, l’élection très controversée de Mohamed Lamine Bangoura, comme président de la Cour constitutionnelle, l’institution chargée de veiller sur la constitutionnalité des lois et règlements. Il remplace à ce poste son collègue Kéléfa Sall, jugé très hostile à toute idée d’un troisième mandat.

Débarqué de la tête de cette auguste institution en septembre dernier, par ces ses pairs, M. Kéléfa Sall ne pouvait plus compter que sur le refus du Président Condé, de valider, ce que beaucoup de juristes avaient considéré, comme une démarche illégale à plusieurs égards.

Pour l’opposition, ce décret était prévisible, d’autant que le Président Condé voulait se débarrasser de M. Sall à la tête de la Cour constitutionnelle à cause de ses positions tranchées à l’encontre d’un troisième mandat. On lui attribue les propos suivants qui auraient déclenché le processus de destitution : « Je serai-là en 2020 pour recevoir le serment du successeur du président Alpha Condé…», aurait-il balancé à ses collègues conseillers qui évoquaient la possibilité pour le Pr Condé de briguer un troisième mandat !

En parlant du “successeur du Président Condé”, M. Kéléfa Sall, aurait signé son acte de destitution. Il soutient, lui-même avoir remarqué l’hostilité de ses collègues, depuis qu’il a affiché clairement ses positions de principe contre un troisième mandat présidentiel. Selon Kéléfa Sall : « Avant le 28 janvier 2016,(soit un peu plus d’un mois après la deuxième investiture du président Alpha Alpha Condé), j’ai reçu de la part des sept membres une lettre signée d’eux ».

« Ils portaient neuf griefs à mon encontre, à savoir : une gestion financière opaque ; aller à l’encontre des décisions administratives et financières unanimes des membres, et la déclaration réitérée devant les autorités officielles que je serai là en 2020 pour recevoir le serment du successeur du président Alpha Condé qui ne peut faire plus de deux mandats ; entres autres. Ils concluaient qu’ils me retiraient leur confiance pour ces faits…», raconte le président déchu.

Le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo dit ne pas être surpris : « Pour moi, ce n’est pas une surprise. Dans la mesure où je sais que c’est Alpha Condé qui est à la manœuvre dans cette crise à la Cour constitutionnelle. Parce qu’il souhaitait, depuis longtemps, se débarrasser de Kéléfa Sall compte tenu de l’opposition de ce dernier à un tripatouillage de la constitution pour ouvrir une possibilité à un éventuel troisième mandat », a réagi le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).

Pour sa part, Sidya Touré a fustigé l’attitude du président de la République « qui n’aurait pas dû valider un acte, jugé illégal ».

Selon le député uninominal de Gaoual, Ousmane Gaoual Diallo : « cet acte du président de la République prouve à suffisance qu’il est dans la logique de tripatouillage de la constitution pour s’assurer un troisième mandat », et que « les élucubrations des conseilleurs frondeurs soutenus par le pouvoir ne fera que décrédibiliser la constitution ».

En signant le décret du 3 octobre 2018, le Pr Alpha Condé semble avoir rallumé la flamme de la contestation dans le pays et donner raison, à ceux qui ont toujours pensé que le mutisme du professeur, face aux accusations de vouloir briguer un troisième mandat, traduisait une volonté cachée d’opérer des tripatouillages constitutionnels, à l’aide de cette même Cour.