Dans un pays qui vit un marasme économique historique, où les questions sociales, éducatives, sanitaires, agricoles, pour ne citer que celles-là, impactent négativement la quasi-totalité des populations, menacées par la misère, il est curieux que la politique politicienne monopolise les couvertures médiatiques.
Les moindres faits et gestes des politiciens, titulaires de postes ministériels compris, journalistes et commentateurs associés, sont mis en exergue à la une des journaux, et repris, toute la journée, sur les chaînes de radio, de télévision et les sites du Web.
À défaut de faire vivre les médias, en état de faillite, avec les coups de boutoir du nouveau régime qui les « affame de publicité de la part des sociétés d’État », les sujets politiques, ou plus précisément la « peopolisation du politique et sa judiciarisation », permettent aux journalistes d’imposer aux lecteurs, auditeurs et téléspectateurs des sujets qui les intéressent eux, en priorité, au lieu de faire leur travail qui exigerait de satisfaire, d’abord, la demande des consommateurs.
Ou alors, il faudrait présumer que c’est la politique qui fait vendre et qui domine tout le reste, en ce qui concerne les préoccupations des populations.
Quoi qu’il en soit, la situation économique désastreuse de la presse témoigne d’un naufrage généralisé que confirment, chaque jour, les démissions de journalistes de télévision, notamment, qui sont restés de nombreux mois sans salaires.
On ne peut ignorer ce débat qui met en péril la « santé démocratique » du Sénégal, pris au piège d’une dérive populiste que les médias alimentent, « à l’insu de leur plein gré », en jouant le jeu d’un régime qui arrête à tout-va anciens ministres, chroniqueurs et autres personnes qui s’expriment « un peu trop » dans les médias, en toute liberté.
La faute professionnelle des médias est de verser dans un traitement de l’information toxique qui « condamne » des personnes simplement accusées et qui sont présumées innocentes.
Même celles qui ont versé des cautions pour rester libres ne sont pas coupables avant d’être jugées.
Mais le sensationnel, le buzz et le travail bâclé scellent leur sort carcéral avant tout procès.
C’est un scandale !
L’honorabilité de personnes innocentes est ainsi éclaboussée, dans une société où les démentis, et même le verdict final, n’arrivent pas à effacer complètement la « tâche initiale d’accusation médiatisée » avec des titres chocs comme « envoyé à Rebeusse », « en mandat de dépôt », etc.
C’est dire que les journalistes manquent singulièrement de professionnalisme, en ne tenant pas compte du contexte culturel et des « blessures » qu’ils infligent à des familles, en cherchant toujours le mot-choc.
Ils favorisent le nouveau régime, sans le vouloir, qui utilise les arrestations temporaires pour affaiblir ses adversaires et qui abuse des « mises en dépôt », des « retours de parquet » (illégaux), devenus une spécialité sénégalaise.
Si quelqu’un est convoqué par la police à la veille du week-end, il a de bonnes chances de rester en garde à vue jusqu’au lundi pour être entendu par le procureur. C’est une autre forme de torture !
La longueur de la garde à vue est commentée dans la presse, avec des supputations, presque toujours, en défaveur de la personne arrêtée et présumée innocente.
Les failles du système judiciaire sont rarement dénoncées et les droits des personnes accusées, mis en exergue.
L’obsession politique entraîne les journalistes dans un traitement sans esprit critique.
Faire des titres chocs pour vendre suffit comme objectif.
Si, quelquefois, des personnes interpellées sont libérées après leur garde à vue, elles sont présentées en héros. Ce qui est une autre manière de politiser cette judiciarisation de la politique, qui est toxique pour toute démocratie.
Les interpellations justifiées devraient être banales, tout comme les auditions au niveau des différentes juridictions.
La politique ne doit pas être réduite à un champ de règlements de comptes judiciaires.
La presse, dans un pays en proie à une situation économique aussi dégradée, a le devoir professionnel d’enquêter pour mieux informer les citoyens.
Elle ne doit pas prendre pour argent comptant les déclarations des uns et des autres.
Encore faudrait-il qu’elle se donne les moyens de pouvoir travailler avec rigueur et librement.
Il n’y a pas que la politique et le sport ; il y a aussi, et surtout, les difficultés que vit la majorité de la population dans le monde rural et dans les banlieues.
Certes, en parler, c’est aussi soulever des débats politiques incontournables, mais qui dépassent les buzz et l’animation malsaine des réseaux sociaux.
La vraie politique est une affaire sérieuse qui dépasse les manipulations puériles dont les médias ne doivent pas être les complices.
Le populisme se nourrit des failles de la démocratie pour prendre le pouvoir et essayer d’imposer la dictature.
Au Sénégal, les masques sont tombés avec le nouveau régime dont l’objectif inatteignable est de museler la presse par l’assèchement économique et/ou le marteau fiscal, voire les procès abusifs.
L’obsession du politique peut conduire à un piège… politique.
Tout n’est pas politique, mais la politique peut s’immiscer partout.