Le 17 juillet 2025, au Palais de la République, le Sénégal a officialisé un nouveau contrat renégocié avec ACWA Power pour son usine de dessalement de la Grande Côte. L’annonce, présentée en grande pompe, dissimule un véritable naufrage contractuel de l’État. Car, quand on observe la cérémonie, un trou béant saute aux yeux : ni Senelec, ni le ministre de l’Énergie, Birame Soulèye Diop, n’ont signé le document, ni même figuré sur la photo officielle. À la place, on retrouve le ministre de l’Hydraulique, du Pétrole, de l’Économie, des Finances, et le DG de la SONES – tous alignés avec les Saudis, sauf le Ministre du Pétrole et des Energies (MPE) absent du cliché. Les experts du MPE et Senelec affirment pourtant avoir négocié seize mois durant, discutant puissance (150 MW), prix (18 F CFA/kWh) et durée (30 ans) – mais rien n’a été conclu pour un CAE. Ridicule : les négociateurs de ces trois piliers n’ont pas pu finaliser le contrat dont ils portaient la responsabilité.

Ce scénario est symptomatique d’une gouvernance à courte vue. On renégocie un contrat à la hussarde, mais devant la presse, ceux qui ont travaillé dessus sont absents, en espérant que personne ne remarque. Et pendant ce temps, le prix reste exorbitant : 18 F CFA/kWh pour 150 MW, une absurdité tarifaire quand on sait que la plus grosse centrale antérieurement négociée était de 50 MW, et pour un tarif bien inférieur.

Le nouveau contrat promet une baisse du prix de l’eau dessalée, de 427 à 389,8 F CFA/m³, généreusement célébrée. On soulignera aussi le doublement de la capacité solaire à 300 MW, dont l’excédent sera revendu à Senelec. Mais derrière les chiffres clinquants, on perçoit le leurre : le tarif de l’électricité est plaqué sans justification formelle liée aux conditions particulières du projet. Le secteur des IPP sait que la taille, le financement concessionnel, la durée, tout cela pèse sur le prix. Et pourtant, on se contente d’un prix élevé, sans granularité ni détail – juste une posture spectaculaire, un « contrat renégocié » brandi comme un trophée.

La méthode elle-même trahit le cynisme du régime Faye/Sonko : on suspend un contrat négocié par Macky Sall en mars 2024, on brandit l’éthique, on s’embrasse avec Ryad… puis on signe un nouvel accord opaque, sans l’aval de l’autorité de régulation, de la DCMP, ou du régulateur CRSE, processus pourtant obligatoire pour une licence de production d’énergie. Ici, la diplomatie se pare d’arguments nobles mais trahit un effort de façade : la présence de l’UNAPPP et de la DCMP n’a été obtenue… qu’après coup, pour sauver la mise médiatique.

Et que dire du traitement réservé à Senelec ? Lorsqu’un partenaire négocie 16 mois un contrat, qu’il discute un prix, un volume et un engagement, ignorer ses experts à la signature, c’est piétiner toute crédibilité institutionnelle. Il y a ici une humiliation institutionnelle parce que Senelec, pourtant armée d’une expertise standardisée pour les IPP (sur instruction de Macky Sall), se trouve évincée sans explication.

Pire encore, ce revirement en plein centre-ville, devant les caméras nationales, ménage mal Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Le président Faye arbore un sourire satisfait, comme un général qui célèbre une victoire sans avoir combattu. Il tente de justifier la mascarade en invoquant la diplomatie, l’éthique, la soutenabilité. On croirait à une mauvaise pièce de théâtre, où le régime veut se poser en champion de la transparence tout en perpétrant un schéma plus opaque que celui qu’il dénonçait.

Pourtant, il y a une lumière dans ce chaos : l’ancien président Macky Sall. C’est sous son mandat que Senelec avait standardisé les CAE, négocié des tarifs avantageux (comme le Scaling Solar), posé des bases solides. Quelle ironie cruelle : on célèbre aujourd’hui une renégociation en oubliant que l’équilibre, la rigueur et la prévisibilité qui l’ont rendu possible ont été légués par les travaux de Macky Sall.

Les conséquences sont lourdes. Chaque mois de retard – seize en tout – s’est traduit par des coûts cachés, des pénuries d’eau, des surcoûts dénoncés par l’opposition, et des critiques dans les médias. En même temps, la renégociation n’a pas profité au pays : on a à l’arrivée, un contrat cher, instable, juridiquement bancal. Le soupçon plane que ce jeu d’ombres n’est qu’un ajustement superficiel, un maquillage politique.

Des voix autorisées, comme celles du ministre Déyè, présentent la renégociation comme un triomphe diplomatique. Mais tout diplomate digne de ce nom sait que le vrai gagnant ne se contente pas de belles images ; il exige des clauses transparentes, des garanties solides, une implication pleine et entière des acteurs locaux.

En définitive, ce contrat renégocié n’est qu’une farce diplomatique jouée sous les ors de la république. Le Sénégal, en traitant la transparence comme un accessoire, en isolant Senelec, en maquillant un deal cher et opaque, confirme sa réputation de pays gouverné au doigt mouillé. Et entre les lignes du discours, c’est un aveu : sans Macky Sall, sans standards, sans institutions fortes, le Sénégal reste à la merci des promesses vides et des spectacles politiciens.