L’ex Premier ministre Umaro Sissoco Embalo, investi président de la Guinée Bissau

Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a limogé le Premier ministre Rui Duarte de Barros , membre du PAIGC – parti majoritaire à l’Assemblée nationale aujourd’hui dissoute – et l’a remplacé par Braima Camara, issu du parti Madem G15 auquel il appartient lui-même.

Ce geste donne une nouvelle ampleur à la crise politique majeure que traverse le pays depuis la dissolution de l’Assemblée nationale et le report de l’élection présidentielle au mois de novembre. Il s’agit d’un véritable coup de poker politique, à l’issue incertaine, dans un pays profondément divisé, où les tensions politiques sont fréquentes et souvent marquées par des coups d’État militaires.

En mettant fin de manière abrupte à la cohabitation de facto avec le parti majoritaire — même si Barros ne représentait pas formellement le PAIGC et que l’Assemblée était déjà inopérante — Embalo ouvre une campagne présidentielle à haut risque. Elle pourrait réveiller les vieux démons des affrontements internes au PAIGC, le parti historique qui avait mené la lutte victorieuse contre le colonialisme portugais il y a plus de 50 ans.

Depuis, le PAIGC s’est scindé à plusieurs reprises, souvent dans la violence, ponctuée de coups d’État militaires particulièrement brutaux.

L’Union africaine et la CEDEAO sont intervenues à maintes reprises pour tenter d’imposer la paix et la démocratie. Mais chaque accalmie n’a été que temporaire.

Embalo, ancien Premier ministre devenu président, a su jusqu’ici se maintenir au pouvoir grâce à un habile jeu d’alliances et un solide réseau diplomatique. Il entretient des relations avec des dirigeants comme Vladimir Poutine, Macky Sall (ex-président du Sénégal), feu Mouammar Kadhafi, Denis Sassou Nguesso ou encore Emmanuel Macron.

Cependant, le véritable talon d’Achille du pays reste sa situation économique très précaire. La Guinée-Bissau, dotée de faibles ressources naturelles, est la cible de multiples prédations, notamment de la part de narco-trafiquants sud-américains. Sa position géographique, à la croisée des routes maritimes et aériennes reliant l’Afrique, l’Amérique latine, l’Amérique du Nord et l’Europe, en fait un point stratégique – mais aussi une cible privilégiée.

Si plusieurs États de la façade atlantique africaine sont concernés par ces trafics, la Guinée-Bissau a particulièrement défrayé la chronique.

Le récent rebondissement politique mérite donc d’être suivi avec une attention accrue. La rupture avec le PAIGC, entamée bien avant le limogeage de Rui Duarte de Barros , et le choix de Braima Camara, actent une confrontation directe et dangereuse pour la conquête du pouvoir.

Domingos Simões Pereira, leader du PAIGC, est l’adversaire acharné d’Embalo. Il dénonce l’autoritarisme du président et critique certaines décisions judiciaires, notamment celle de la Cour suprême validant le report de la présidentielle, initialement prévue pour février ou mars.

Il reconnaît toutefois le droit d’Embalo à se représenter. Mais bénéficiera-t-il en retour de la même reconnaissance ? Rien n’est moins sûr, d’autant que des procédures judiciaires ont été engagées à la suite de la tentative de coup d’État contre Embalo, en février 2023.

Ce putsch, qui avait fait plus de 10 morts, a échoué grâce à la fidélité d’une partie des forces armées. Mais il a révélé de profondes fractures au sein de l’armée, où plusieurs arrestations ont eu lieu. Les blessures restent ouvertes, et les tensions vives.

Les luttes fratricides entre factions politiques et militaires sont un casse-tête dans ce pays très politisé, où l’héritage de la guerre de libération se traduit aussi par la présence d’armes anciennes mais toujours fonctionnelles.

Embalo, malgré la défaite de son parti Madem G15 aux dernières législatives, semble sûr de lui et prêt à défier le PAIGC.

Il est clair que la situation est hautement volatile, dans un pays habitué aux retournements d’alliances, au sein d’une classe politique réduite en nombre mais minée par les rivalités.

La transparence du processus électoral sera scrutée de près par les observateurs nationaux et internationaux, en particulier ceux de la CEDEAO et de l’Union africaine.

D’ici au mois de novembre, des mesures urgentes doivent être prises pour assurer une paix durable à travers tout le pays.

Le changement brusque d’équipe gouvernementale révèle les intentions offensives du président. Est-il vraiment sûr de sa force ?

L’avenir proche nous le dira.