Longtemps symbole d’opulence et pilier économique de plusieurs pays d’Afrique australe, le diamant naturel voit aujourd’hui son éclat menacé. La montée en puissance des pierres de synthèse, produites à moindre coût, fait vaciller les cours mondiaux et bouscule les économies dépendantes de ce minerai précieux, à commencer par le Botswana.

Deuxième producteur mondial derrière la Russie, ce pays de 2,5 millions d’habitants a vu, vendredi, sa note souveraine abaissée à « BBB » par l’agence S&P, en raison d’une « baisse des revenus diamantaires ». Conscient du danger, le gouvernement botswanais a lancé la semaine dernière un nouveau fonds souverain destiné à poser les bases d’un avenir économique diversifié. Tourisme de luxe centré sur les safaris, culture de cannabis médicinal, énergie solaire : autant de pistes déjà explorées.

Parallèlement, Gaborone envisage de renforcer son contrôle sur la filière en rachetant une part majoritaire de De Beers, géant historique du secteur. Le président Duma Boko a confié un mandat de conseil à Lazard et à la Compagnie bancaire helvétique (CBH) pour étudier cette éventualité.

Selon Brendon Verster, économiste chez Oxford Economics Africa, « des pays comme l’Angola, la Namibie et l’Afrique du Sud sont aussi exposés, mais aucun autant que le Botswana ». Le Fonds monétaire international rappelle que les diamants représentent près de 30 % du PIB national et 80 % des exportations.

Or, les consommateurs se tournent de plus en plus vers les pierres artificielles, venues notamment de Chine et d’Inde. Le prix moyen d’un diamant naturel d’un carat est ainsi passé de 6 819 dollars en mai 2022 à 4 997 dollars en décembre 2024, selon le World Diamond Council. Pour un pays qui a bâti sa prospérité, depuis les années 1960, sur la découverte de ces gemmes, la menace est sérieuse.

Les réserves de devises s’amenuisent, et l’État s’est récemment endetté pour renflouer ses caisses. En août, la situation sanitaire s’est tendue, obligeant le président à déclarer l’état d’urgence en raison d’une pénurie de médicaments. « Si rien n’est fait, ce qui est aujourd’hui un défi économique pourrait devenir une véritable bombe sociale », alertait Duma Boko dès juillet.

Les diamants de laboratoire représentent déjà près de 20 % de la valeur du marché mondial et jusqu’à 50 % du volume des bagues de fiançailles aux États-Unis, selon S&P. « On ne voit pas de raison pour un retour en force des diamants naturels », observe encore Brendon Verster.

La pression se fait sentir dans toute la région. Au Lesotho, où le diamant pèse jusqu’à 10 % d’un PIB d’environ deux milliards de dollars, la plus grande mine du pays, Letseng, prévoit de réduire ses effectifs de 20 %. Pour l’analyste indépendant Thabo Qhesi, la situation « pourrait accroître les risques d’effondrement économique » et incite à explorer d’autres ressources, notamment les terres rares.

Face à ce danger, cinq grands pays producteurs – Angola, Botswana, Namibie, Afrique du Sud et République démocratique du Congo – se sont engagés en juin à consacrer 1 % de leurs revenus diamantaires à une vaste campagne internationale de promotion. L’actrice britannique Lily James en est l’ambassadrice. Objectif : redonner aux diamants naturels leur image de produit de luxe et mettre en avant les filières responsables.

« Il s’agit de rappeler l’histoire et la traçabilité des pierres du Botswana », insiste De Beers, partenaire de la campagne. Jacob Thamage, du ministère botswanais des Minéraux, se veut toutefois optimiste : « Les diamants naturels et ceux de synthèse s’adressent à des publics différents et peuvent coexister. »

Dans un centre commercial de luxe de Johannesburg, l’opposition est saisissante : un diamant jaune naturel estimé à plus de 50 000 dollars repose derrière des portes d’acier renforcé, tandis qu’à quelques pas un diamant de laboratoire s’affiche à 115 dollars. « Chacun sa clientèle, et tant que tout le monde s’y retrouve, le marché trouvera son équilibre », résume un bijoutier.