Ce 17 novembre, le Sénégal a organisé ses élections législatives, un rendez-vous démocratique attendu pour jauger l’adhésion populaire au régime de Bassirou Diomaye Faye, installé il y a huit mois seulement. Mais à l’heure des résultats, l’enthousiasme est tempéré par un chiffre glaçant : un taux de participation de seulement 48 %, bien loin des 61,30 % enregistrés lors de la présidentielle. Si la coalition PASTEF a remporté ces législatives, cette victoire est entachée par une abstention massive qui pose des questions fondamentales sur la légitimité du pouvoir actuel.

L’abstention : la vraie gagnante des législatives

Avec un taux de participation en chute libre, les urnes ont davantage résonné par leur silence que par le bruit des voix. La majorité des électeurs a choisi de s’abstenir, révélant une désaffection préoccupante envers le processus démocratique. Cette abstention massive est un message clair : une partie importante des Sénégalais, y compris parmi les 54,28 % qui avaient porté Bassirou Diomaye Faye au pouvoir, semble désillusionnée.

Qu’est-ce qui a changé en huit mois ?

Il y a huit mois, l’élection présidentielle avait suscité un engouement considérable, avec un taux de participation de 61,30 %. L’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, présenté comme un homme du renouveau, avait mobilisé les électeurs dans l’espoir d’un changement concret. Aujourd’hui, la désillusion est palpable. Plusieurs facteurs expliquent ce désengagement :

1. Les promesses non tenues :

Malgré des engagements forts en matière de justice sociale et de réformes économiques, les premiers mois du régime ont été marqués par des décisions impopulaires. La suppression annoncée des subventions, la hausse des prix des denrées de base, et des tensions dans la gouvernance ont sapé la confiance de nombreux citoyens.

2. Le manque de visibilité des actions gouvernementales :

Le régime n’a pas su communiquer efficacement sur ses réalisations. Les frustrations économiques, combinées à un sentiment d’inertie, ont éloigné une partie de l’électorat de ses ambitions initiales.

3. Un contexte socio-économique difficile :

Les Sénégalais font face à une inflation galopante, une montée du chômage et une détérioration des conditions de vie. Par ailleurs, le départ de certains partenaires économiques traditionnels a accentué les incertitudes, plongeant le pays dans une inquiétude croissante.

Une victoire législative sans légitimité populaire

La coalition PASTEF peut se réjouir d’avoir remporté ces élections, mais la faible participation relativise cette victoire. Les électeurs de l’opposition, motivés par une volonté de contrer le régime, se sont mobilisés. Cependant, une grande partie des abstentionnistes provient probablement des rangs des anciens soutiens de Bassirou Diomaye Faye, déçus ou désillusionnés par son gouvernement.

La démocratie repose sur une forte participation populaire. Or, comment un régime peut-il prétendre avoir une légitimité solide quand une majorité écrasante de la population choisit de bouder les urnes ?

Les défis à venir pour le régime

1. Reconstruire la confiance :

Le régime doit rapidement mener une introspection et engager des réformes concrètes pour répondre aux attentes des citoyens. Cela passe par une meilleure communication sur ses actions, mais surtout par des mesures qui impactent positivement le quotidien des Sénégalais.

2. Prévenir une crise institutionnelle :

Avec un Parlement issu d’élections faiblement représentatives, le risque d’une crise institutionnelle plane. La gouvernance pourrait être fragilisée si le régime ne parvient pas à rassembler autour de son projet.

3. Gérer les réformes économiques avec prudence :

Les ajustements structurels annoncés, tels que la suppression des subventions, risquent d’exacerber les tensions sociales. Une approche graduelle et accompagnée de mesures de soutien aux plus vulnérables sera essentielle.

Un avertissement pour le futur

Ces législatives sonnent comme un avertissement pour le régime de Bassirou Diomaye Faye. La démocratie sénégalaise, autrefois saluée pour sa vitalité, est aujourd’hui confrontée à un sérieux défi : celui de reconnecter le peuple à ses institutions. La victoire de PASTEF ne peut être célébrée sans une prise de conscience de l’ampleur de la désillusion populaire.

Si le gouvernement ne tire pas les leçons de cette abstention historique, il court le risque de voir son mandat marqué par une instabilité croissante, nourrie par une population désabusée et méfiante. Pour gouverner dans la paix et renforcer sa légitimité, il devra répondre aux attentes d’un peuple qui, aujourd’hui, a choisi de parler par son silence.