L’affaire du prétendu rapport de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques sous l’ancien régime vient de prendre une tournure aussi grotesque qu’inquiétante. Ce document, brandi comme une preuve accablante par le gouvernement de Ousmane Sonko, s’avère être une construction politique, un montage sordide destiné à justifier une chasse aux sorcières plutôt qu’à éclairer la vérité. Pire, cette manœuvre a plongé le Sénégal dans une crise de confiance avec ses partenaires financiers, notamment le FMI, qui refuse désormais de cautionner ces chiffres contestables.
Tout commence en novembre 2024, lorsque le Premier ministre Sonko mandate l’Inspection générale des finances (IGF), placée sous sa tutelle, pour produire un diagnostic des finances publiques. Problème : l’IGF, bras technique du ministère des Finances, n’a aucune indépendance et encore moins la légitimité d’une institution comme la Cour des comptes. Pourtant, c’est ce rapport, concocté sans consultation des anciens responsables ni vérification contradictoire, qui est soumis à la Cour des comptes pour audit.
La Cour, dans un souci de transparence, rend alors un document intitulé Audit du rapport de l’IGF sur les finances publiques , et non Rapport de la Cour des comptes, comme le gouvernement tente de le faire croire. Une nuance capitale, révélatrice d’une manipulation grossière : la Cour n’a fait qu’examiner un document produit par le pouvoir, sans mener elle-même une enquête indépendante.
Conséquence immédiate : le FMI, alerté par les incohérences du rapport, a opposé une fin de non-recevoir au gouvernement. « Ces chiffres sont les vôtres, à vous de les justifier » , aurait déclaré un responsable du Fonds à Dakar. Une humiliation pour un régime qui promettait rigueur et transparence, mais qui se retrouve piégé par ses propres artifices.
Pourtant, la solution était simple : confier directement à la Cour des comptes, institution indépendante, le soin d’auditer les comptes publics. Mais cela n’aurait pas permis au pouvoir de contrôler la narration. Dans les couloirs des institutions de contrôle, on parle désormais du «Rapport Sonko » en souriant jaune, confie une source bien introduite.
Le plus grave dans cette affaire, c’est l’entêtement du Premier ministre à présenter ce rapport comme une vérité absolue, alors même que la méthode est discréditée. En instrumentalisant l’IGF et en contournant les procédures impartiales, Sonko a non seulement sapé la crédibilité des institutions sénégalaises, mais aussi aggravé la défiance des investisseurs et des bailleurs de fonds.
Alors que le pays est englué dans des difficultés économiques croissantes, cette manipulation politicienne risque de coûter cher. On est passé de la lutte contre la corruption à la fabrication de preuves, déplore un haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat.
Entre calculs politiciens et amateurisme, le gouvernement Sonko a réussi un triste exploit : transformer un outil de contrôle en arme de propagande. Le Sénégal mérite mieux que des rapports biaisés et des vérités alternatives. Il est temps que la lumière soit faite – mais cette fois, de manière indépendante et contradictoire.
La balle est désormais dans le camp de la justice et de la société civile : exiger un audit crédible, ou accepter que la démocratie sénégalaise sombre dans la parodie.