La récente nomination de Cheikh Omar Diagne comme Directeur des moyens généraux (DMG) de la Présidence de la République soulève de nombreuses inquiétudes, non pas pour ses compétences professionnelles, mais pour ses prises de parole publiques répétées, provocantes et irrespectueuses à l’égard des institutions religieuses et des chefs spirituels au Sénégal. Dans un pays où 95 % de la population se revendique musulmane et où les tarikas, notamment la Tijaniyya, la Mouridiyya et la Qadiriyya, occupent une place centrale dans la vie sociale et spirituelle, les déclarations de Cheikh Omar Diagne touchent un nerf sensible.
Des propos incendiaires et une escalade du mécontentement
Dans ses récentes interventions, Cheikh Omar Diagne s’est attaqué à plusieurs piliers de la spiritualité sénégalaise. Il a affirmé que des signes de la franc-maçonnerie étaient présents dans la Mosquée de Touba, haut lieu de pèlerinage pour les mourides et symbole de la résistance spirituelle et culturelle du pays. Il est allé plus loin en déclarant que les écrits des érudits fondateurs des tarikas n’étaient pas parfaits et qu’ils devaient être révisés. Des propos qui frisent l’hérésie pour des millions de talibés profondément attachés à l’héritage de figures comme Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadj Malick Sy ou Seydina Limamou Laye.
Ces paroles ont naturellement provoqué une vague d’indignation au sein des foyers religieux. Des chefs spirituels jusqu’aux simples talibés, tous réclament la destitution immédiate de Cheikh Omar Diagne. Comment comprendre qu’un homme occupant une fonction aussi sensible au sein de la Présidence se permette de telles sorties publiques sans être rappelé à l’ordre par les autorités ? Plus encore, son silence sur les conséquences de ses propos ne fait qu’alimenter la frustration croissante.
Le soutien maladroit de Bentaleb Sow : un nouveau faux pas
Ajoutant de l’huile sur le feu, Bentaleb Sow, conseiller spécial à la Présidence, est intervenu pour défendre les déclarations de Cheikh Omar Diagne. Cette prise de position maladroite a été perçue comme une tentative d’étouffer les critiques et de minimiser l’impact des propos de Diagne. En agissant ainsi, Bentaleb Sow ne fait que renforcer l’idée que ces déclarations pourraient être cautionnées, sinon tolérées, au plus haut sommet de l’État.
Le problème, cependant, va au-delà des propos eux-mêmes. Il touche à la gestion de la communication au sein de la Présidence de la République. Lorsque des hauts fonctionnaires, censés être les garants de l’unité nationale, s’aventurent sur des terrains aussi sensibles que la religion, il en va de la responsabilité des autorités de réagir rapidement et fermement.
Le silence inquiétant du Président de la République
Ce qui est peut-être le plus préoccupant dans cette affaire, c’est le silence assourdissant du Président de la République. Face à une telle polémique, une intervention présidentielle aurait permis de calmer les tensions et de rappeler les principes fondamentaux du vivre-ensemble au Sénégal. Or, l’absence de réaction officielle laisse libre cours aux spéculations et à la colère populaire.
Dans un pays comme le Sénégal, où les tarikas ne sont pas de simples institutions religieuses mais des acteurs majeurs de la stabilité politique et sociale, toute tentative de s’en prendre à elles représente un danger pour la paix civile. Les chefs religieux jouent un rôle de régulateurs sociaux, conseillant souvent les gouvernements et intervenant pour désamorcer des crises potentielles. Leurs enseignements sont respectés et leurs actions en faveur du développement, de l’éducation et de la solidarité sont reconnus bien au-delà des frontières sénégalaises.
L’importance de la retenue pour les hauts fonctionnaires
Lorsque l’on occupe des fonctions de haut rang à la Présidence de la République, un certain devoir de réserve s’impose. Le Sénégal, bien qu’étant une démocratie, est aussi une société où les valeurs religieuses et culturelles sont profondément ancrées. Il est donc impératif que les responsables publics, en particulier ceux proches du Président, mesurent l’impact de leurs paroles.
Prendre la parole pour critiquer des figures religieuses, en particulier sans fondements solides, c’est s’exposer à un risque considérable. Ces critiques, si elles ne sont pas maîtrisées, peuvent rapidement dégénérer en une crise sociale et politique. Cheikh Omar Diagne, de par ses fonctions, se doit de veiller à préserver l’harmonie nationale et non à susciter la discorde.
Le rôle d’un Directeur des moyens généraux n’est en aucun cas de se mêler des débats religieux, surtout lorsqu’ils risquent d’attiser les tensions. Une fois nommé à un poste aussi sensible, la communication doit être maîtrisée, professionnelle et orientée vers le service de l’intérêt général. Laisser des polémiques de cette envergure enfler sans réaction rapide de la part des autorités pourrait entraîner des conséquences désastreuses pour la stabilité du pays.
Préserver l’équilibre social et religieux
Le Sénégal est une nation réputée pour sa tolérance et son harmonie entre les différentes communautés religieuses. Les tarikas, loin de se limiter à une simple fonction religieuse, sont des moteurs de cette cohésion sociale. En s’attaquant à elles, directement ou indirectement, Cheikh Omar Diagne met en péril l’équilibre fragile qui a permis au Sénégal de rester un îlot de paix dans une région souvent troublée.
Il est donc impératif que les autorités, en premier lieu le Président de la République, prennent des mesures pour apaiser la situation. Le limogeage de Cheikh Omar Diagne pourrait être un premier pas vers la réconciliation avec les familles religieuses et leurs talibés, mais cela ne suffira peut-être pas. Il est temps de rappeler à l’ordre tous ceux qui, au sein de la Présidence ou dans l’administration, oublient leur devoir de réserve et créent des tensions inutiles dans le pays.
Les déclarations incendiaires de Cheikh Omar Diagne et la défense apportée par Bentaleb Sow constituent une menace sérieuse pour la paix sociale au Sénégal. Face à la montée des tensions et aux appels à la destitution, il appartient aux autorités de réagir rapidement et avec fermeté. Le respect des institutions religieuses et des chefs spirituels doit être réaffirmé, et toute tentative de les discréditer doit être condamnée. Dans un contexte aussi sensible, la retenue et la mesure sont de rigueur pour ceux qui occupent des fonctions de responsabilité à la Présidence. La stabilité du Sénégal en dépend.