En République démocratique du Congo (RDC), l’avenir politique semble s’assombrir à mesure que des tensions s’intensifient entre deux figures majeures : le président en exercice, Félix Tshisekedi, et son ancien allié, Vital Kamerhe. Selon des sources proches du pouvoir, un pacte secret entre les deux hommes aurait prévu un passage de flambeau à Kamerhe au terme des deux mandats de Tshisekedi. Or, ce dernier envisagerait une révision constitutionnelle pour briguer un troisième mandat. Ce revirement remet en question la stabilité politique du pays et pourrait ébranler les alliances construites de longue date. La situation n’est pas sans rappeler la crise ivoirienne entre Guillaume Soro et Alassane Ouattara, soulignant les enjeux critiques d’un partage du pouvoir souvent perçu comme temporaire dans les démocraties africaines.
Une alliance née d’une stratégie électorale
L’histoire de l’alliance entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe remonte à 2018, lorsque les deux hommes ont formé le “Cap pour le Changement” (CACH). Ce partenariat stratégique a permis à Tshisekedi de remporter la présidence lors d’élections controversées, marquées par des accusations de fraudes massives. Kamerhe, fort de son influence dans l’Est du pays et de son expérience politique en tant qu’ancien président de l’Assemblée nationale, a joué un rôle crucial dans cette victoire. En échange, il était convenu qu’il occuperait le poste de directeur de cabinet et serait soutenu pour la présidence à l’issue des deux mandats de Tshisekedi.
Cependant, cette alliance a rapidement montré des signes de fragilité. En 2020, Kamerhe a été accusé de détournement de fonds publics, un scandale qui l’a conduit en prison. Si certains y voient une véritable affaire judiciaire, d’autres soupçonnent une manœuvre politique pour écarter un allié devenu encombrant. Acquitté en 2022, Kamerhe a fait un retour remarqué en politique, en tant que vice-Premier ministre chargé de l’économie, renforçant ainsi son influence dans son fief électoral de l’Est. Puis en mai 2024, il est élu Président de l’Assemblée nationale, poste qu’il occupe aujourd’hui.
La révision constitutionnelle : une bombe à retardement
Les rumeurs sur une possible révision de la Constitution par Tshisekedi pour prolonger son mandat au-delà des limites actuelles agitent la scène politique congolaise. Pour Vital Kamerhe, cela constituerait une violation explicite de leur pacte, mettant en péril une alliance stratégique et fragilisant la coalition au pouvoir. Kamerhe, souvent perçu comme un homme politique pragmatique et adaptatif, est confronté à un dilemme : continuer de soutenir Tshisekedi, quitte à aliéner sa base électorale, ou se distancier du président, risquant ainsi une rupture ouverte.
Le scénario rappelle fortement la crise ivoirienne de 2019, lorsque Guillaume Soro, ancien Premier ministre et allié d’Alassane Ouattara, s’est opposé au projet de ce dernier de briguer un troisième mandat. Comme en RDC, cette rupture a déclenché une période d’instabilité politique, marquée par des tensions accrues entre les institutions et une fragmentation des alliances politiques. En fin de compte, Soro a été contraint à l’exil, tandis qu’Ouattara consolidait son pouvoir.
Une base électorale en effervescence
Dans l’Est du pays, bastion traditionnel de Kamerhe, la population exprime de plus en plus son désarroi face au gouvernement central. La perception que Tshisekedi n’a pas tenu ses promesses envers cette région, notamment en matière de sécurité et de développement économique, pourrait affaiblir son soutien. Kamerhe, en revanche, reste une figure respectée et pourrait capitaliser sur ce ressentiment pour réaffirmer son rôle de leader.
Cette situation est particulièrement préoccupante à l’approche des élections présidentielles de 2028. Si Kamerhe choisit de se positionner comme candidat indépendant, il pourrait fracturer la coalition actuelle, rendant difficile une victoire pour Tshisekedi ou tout autre candidat de l’Union sacrée. En outre, une telle fracture offrirait une opportunité en or à l’opposition pour exploiter les divisions internes.
Des conséquences pour la stabilité nationale
Au-delà des rivalités personnelles, cette crise illustre les défis structurels auxquels fait face la RDC. Le pays, riche en ressources naturelles mais miné par des conflits armés et une pauvreté endémique, ne peut se permettre une crise politique majeure. La stabilité actuelle repose en grande partie sur un équilibre fragile entre les différentes factions politiques et régionales.
Si Tshisekedi persiste dans sa volonté de modifier la Constitution, il pourrait à court terme consolider son pouvoir. Cependant, les risques à long terme incluent une perte de l’adhésion populaire, une intensification des tensions électorales et, potentiellement, une recrudescence des violences. Kamerhe, quant à lui, pourrait être tenté de nouer des alliances avec d’autres figures politiques, y compris dans l’opposition, pour contrer les ambitions de son ancien allié.
Comparaison avec la Côte d’Ivoire : une leçon à tirer
L’exemple de Guillaume Soro et Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire offre une perspective précieuse sur les conséquences potentielles de cette rupture. Comme Tshisekedi, Ouattara avait initialement promis de céder le pouvoir après son second mandat. Toutefois, il a profité d’une interprétation juridique controversée pour briguer un troisième mandat, provoquant une crise politique sans précédent.
Guillaume Soro, autrefois allié fidèle, s’est opposé publiquement à cette manœuvre, ce qui a entraîné son exclusion du jeu politique et son exil. La Côte d’Ivoire a connu des violences post-électorales, et la confiance dans les institutions du pays a été durablement ébranlée. En RDC, un scénario similaire pourrait émerger, avec un Kamerhe ostracisé, une opposition fragmentée mais opportuniste, et une population encore plus polarisée.
Conclusion : Vers un point de rupture ?
La RDC se trouve à un carrefour critique de son histoire politique. La relation entre Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi, autrefois symbole d’espoir et de renouveau, risque de devenir le catalyseur d’une nouvelle crise. Les parallèles avec la Côte d’Ivoire montrent que les promesses brisées et les ambitions prolongées peuvent entraîner des conséquences dramatiques pour un pays.
Alors que Tshisekedi semble prêt à tout pour prolonger son règne, Kamerhe doit choisir entre loyauté et ambition personnelle. Cette confrontation pourrait redéfinir le paysage politique congolais, pour le meilleur ou pour le pire. Une chose est certaine : l’évolution de cette alliance fracturée sera déterminante pour l’avenir de la RDC et, plus largement, pour la stabilité en Afrique centrale.