L’ONU dévoile des transferts opaques d’armes et de combattants en Libye.

L’Organisation des Nations-Unies vient de publier un rapport épinglant plusieurs sociétés et pays accusés d’avoir violé l’embargo décrété en 2011 en livrant des armes ou des combattants aux deux camps rivaux en Libye.

Acheter un navire de la marine irlandaise ré-immatriculé comme « yacht de plaisance » au Panama ou recruter 1.000 combattants du Soudan via une compagnie canadienne : en Libye, tous les moyens sont bons pour contourner l’embargo sur les armes de l’ONU.

Selon le document de près de 400 pages, l’offensive contre la capitale Tripoli lancée le 4 avril par le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est libyen, a « déclenché de nouveaux transferts de matériel militaire ».

Si « des transferts ont été effectués vers la Libye de manière répétée et flagrante, au mépris des mesures de sanction », selon le rapport, d’autres livraisons ont été longuement préparées et minutieusement opacifiées.

Les experts de l’ONU détaillent dans leur rapport le processus opaque derrière le transfert d’un patrouilleur de la marine irlandaise aux forces du maréchal Haftar. Vendu pour 122.000 dollars (109.000 euros) en mars 2017 par le gouvernement irlandais à une société néerlandaise, il a ensuite été acheté pour 525.000 dollars par une société émiratie qui l’a ré-immatriculé au Panama comme « yacht de plaisance ».

Puis le navire a été acheté par les forces du maréchal Haftar pour 1,5 million de dollars. Officiellement, il devait se rendre à Alexandrie, en Égypte, selon le rapport. Mais l’itinéraire suivi par le navire a été opacifié et il est arrivé à Benghazi sans escale dans le port égyptien.

Les experts de l’ONU estiment que « l’embargo sur les armes a été inefficace, comme l’illustrent les transferts de matériel militaire qui ont régulièrement été effectués vers la Libye par voies aérienne et maritime ».

Le rapport de l’ONU épingle particulièrement la Jordanie, les Émirats arabes unis et la Turquie accusés d’avoir violé régulièrement l’embargo avec des armements ayant bénéficié aux troupes de Haftar (pour les deux premiers pays) et au gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU et basé à Tripoli, pour Ankara.

Drones, blindés, missiles antichar : des armes de plus en plus sophistiquées ont été livrés aux deux camps ces derniers mois. Le rapport accuse explicitement les Émirats d’avoir livré un système russe de défense anti-aérienne (Pantsir S-1) aux forces de Haftar.

Si les armes continuent d’affluer dans le pays, il en va de même pour les mercenaires et combattants étrangers. Le rapport ne mentionne pas la présence de mercenaires russes aux côtés des pro-Haftar révélée récemment par des médias et démentie par Moscou. Mais il fait état de centaines de combattants soudanais et tchadiens recrutés par les deux camps.