Le président Ouattara

Le candidat déclaré, Alassane Ouattara, a défendu sa décision de briguer un quatrième mandat, dans une adresse à ses compatriotes.

Il soutient que son pays fait face à diverses menaces, dont celle sécuritaire, posée par les terroristes jihadistes qui sévissent dans les États voisins et frontaliers, comme le Burkina.

Il n’a pas eu besoin de rappeler l’attaque sanglante subie par la Côte d’Ivoire à Grand-Bassam en 2016.

Il se présente donc comme un rempart pour défendre le boom économique ivoirien, qui est sans équivalent dans la sous-région, avec la place de premier pays producteur de cacao dans le monde.

Il suffit, d’ailleurs, de faire un tour à Abidjan pour constater une situation de paix et de prospérité que lui envient tous ses voisins, ceux en proie à des régimes putschistes (Mali, Burkina et Niger, un peu plus éloigné).

Élu président depuis 2011, Ouattara, octogénaire (83 ans), a affirmé que sa santé lui permettait de solliciter un nouveau bail à la tête de l’État.

Au Cameroun, Paul Biya, 92 ans, est en lice pour un huitième mandat.

Le problème, pour Ouattara, est qu’il avait lui-même organisé sa succession et choisi son remplaçant en la personne d’Amadou Gon Coulibaly.

La disparition brutale de ce dernier, à quelques mois de l’élection présidentielle, l’avait obligé à se représenter. L’éthique de responsabilité, théorisée par Max Weber, ne lui laissant aucune autre option.

Le parcours fut chaotique, avec des troubles sanglants, mais Ouattara sortit vainqueur de l’épreuve.

Cette fois-ci, la situation est différente, et l’argumentation beaucoup moins solide.

Parce que, si on suit une telle logique, il y aura toujours des « arguments » à faire valoir (des chantiers à terminer, une relève à former, un climat inquiétant, etc.).

Pour, finalement, justifier une présidence à vie.

Comme en Afrique centrale, où l’alternance se conjugue au coup d’État ou à la succession dynastique — si l’on ose dire.

La vérité est que l’Afrique a un problème avec la démocratie, comme beaucoup d’autres pays de la planète.

On peut même ajouter que les pays occidentaux, qui semblent appliquer et défendre le système démocratique, sont loin de le pratiquer de manière orthodoxe.

Si jamais il y avait un modèle universel et incontestable de démocratie…

Par définition, toute démocratie comporte des lacunes, que consacre son inachèvement, lié aux faiblesses propres à l’être humain.

Les deux « plus grandes démocraties du monde », dans l’ordre : l’Inde et les USA, se débattent dans des contradictions peu favorables à l’expression libre, sereine et confiante, à tout moment, du droit de vote.

Toutefois, les faiblesses inhérentes aux démocraties ne sont pas des justifications crédibles pour balafrer le système démocratique, qui, malgré ses imperfections, reste une garantie pour les citoyens quant au respect de leurs droits inaliénables de citoyens libres et égaux.

Pour en revenir à la candidature de Ouattara, il faut souhaiter que sa candidature n’allume pas un nouveau brasier social et politique.

La restriction imposée des candidatures n’est pas défendable, et Ouattara a choisi d’ignorer le sujet. À tort !

Pour l’heure, le scrutin du 25 octobre semble loin, mais il va susciter des surchauffes au fur et à mesure que l’échéance approche.

La Côte d’Ivoire a déjà payé le prix du sang, pendant une guerre civile qui a provoqué au moins 3 000 morts.

Les leçons d’un passé si proche devraient inspirer les leaders politiques ivoiriens, toutes tendances confondues, et les pousser à ne pas jeter de l’huile sur le feu.

Ouattara, le candidat, doit donner le la et inventer un discours de paix dans ce moment électoral qu’il a choisi d’électriser.