Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), cette plateforme regroupant la société civile et des partis politiques, qui a mené les manifestations contre le troisième mandat d’Alpha Condé, en 2019, n’est pas du tout rassuré par la nouvelle autorisation de sortie du territoire accordée à l’ancien président pour des soins médicaux en Turquie. Foniké Mbengué et ses camarades craignent, en effet, que l’ex chef d’Etat qui avait durement réprimé ces manifestations, faisant des dizaines de morts, échappe à la justice, sous la couverture de la junte militaire au pouvoir.
La santé d’Alpha Condé est-elle si préoccupante, au point de nécessiter un second voyage médical en Turquie, à peine plus d’un mois après son retour d’Abou Dhabi, aux Emirats Arabes Unis pour les mêmes raisons ? L’ancien président guinéen cherche-t-il simplement à échapper à la justice guinéenne qui a ouvert une enquête contre lui et 27 autres personnalités politiques de son régime, le 4 mai dernier, pour assassinats, actes de torture et enlèvement ?
Le Front national de défense de la Constitution craint fortement que la seconde hypothèse ait motivé ce déplacement de l’ancien président en Turquie.
Le FNDC est d’autant plus inquiète qu’elle suspecte la junte militaire au pouvoir de couvrir cette possible « fuite » de l’ex chef de l’Etat.
Selon plusieurs observateurs, en effet, le colonel Mamady Doumbouya qui s’est mis à dos presque l’ensemble de la classe politique, en posant des actes de plus en plus impopulaires et surtout en écartant les partis politiques de la gestion de la transition en Guinée, cherche ainsi, à casser la dynamique de rapprochement inattendu entre le parti de l’ancien président, le RPG, et celui de son opposant le plus farouche, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo. Une preuve si besoin en était, que les politiques sont décidés à faire face à Doumbouya et ses troupes.
Dans tous les cas, les avocats du FNDC ont tenu à rappeler qu’en raison de l’enquête ouverte contre lui, Alpha Condé ne peut sortir du territoire. Mieux encore, ils demandent aux militaires au pouvoir de fournir les documents juridiques qui peuvent justifier ce voyage.
Au micro de RFI, Me Thierry Brengarth, un des avocats du FNDC n’a pas caché ses inquiétudes. L’avocat rappelle en effet, que « des poursuites ont été diligentées par la justice guinéenne, ce qui suppose donc qu’un contrôle soit exercé par le Parquet guinéen ». Mais s’interroge-t-il, « est-ce que ce contrôle a eu véritablement lieu, sur quel texte cette décision d’autorisation a été prise et est-ce que cette décision a été prise moyennant une interférence de la junte militaire au mépris de l’indépendance de la justice ? ».
Dans tous les cas, indique-t-il, « nous exprimons de craintes vives par rapport au risque qu’Alpha Condé ne se présente pas devant la justice guinéenne, et nos craintes sont renforcées par ce qui est à l’origine de cette autorisation et donc, peut-être, par le biais d’une violation de l’indépendance judiciaire ».
Alpha Condé était rentré en Guinée le 08 avril dernier, en provenance d’Abou Dhabi, après un séjour médical de près de trois mois aux Emirats Arabes Unis. Ce séjour prolongé, qui ne devait durer qu’un mois, selon la junte militaire, avait déjà commencé à susciter des interrogations.