Le PDG de Facebook Mark Zuckerberg a dû s’expliquer mardi 10 et mercredi 11 avril devant le congrès américain sur l’utilisation des données personnelles des utilisateurs du réseau social. Le scandale lié à la société Cambridge Analytica met en lumière le fonctionnement de l’économie numérique.
De quelles données parle-t-on ?
Facebook a accès à un très grand nombre d’informations sur chacun de ses 2 milliards d’abonnés à travers le monde, au-delà même de ce que ces derniers écrivent sur leur page Facebook, des photos ou vidéos qu’ils y « postent », de leurs amis ou encore des contenus qui les intéressent grâce à la touche « like ».
Sa connaissance des habitudes des abonnés va plus loin, puisque ces derniers se connectent sur de nombreux sites via leur compte Facebook. Et que des échanges d’informations se produisent ensuite entre Facebook et ces sites. Résultat, Facebook est capable de dresser de ses utilisateurs une véritable identité numérique.
Auditionné mardi 10 avril par le Sénat américain, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, n’a pas répondu à la sénatrice démocrate de Californie, Kamala Harris, lui demandant de confirmer que Facebook détiendrait jusqu’à 93 catégories d’informations sur ses abonnés.
Comment ces données sont-elles utilisées ?
Le réseau social ne vend pas directement les données ainsi collectées comme on vendrait par exemple un fichier d’adresses. « Facebook vend de l’attention », affirme Alexandre de Cornière, professeur à l’école d’économie de Toulouse, spécialiste de l’économie d’Internet.
Deux milliards d’abonnés, qui passent en moyenne une heure par jour sur le réseau, « représentent en effet le plus gros marché média en termes d’attention au monde », ajoute-t-il. Surtout quand l’utilisation de Facebook se fait de plus en plus sur téléphone mobile, avec peu de possibilités d’échapper à la publicité.
Bref, le réseau social vend des espaces publicitaires, comme un journal vend un espace de publicité, mais avec un atout considérable : sa capacité à cibler avec une grande précision le profil de consommateur visé par l’annonceur, grâce à la connaissance accumulée sur chaque abonné.
Facebook ne s’est lancé dans le marché de la publicité en ligne que depuis 2012. Un marché détenu aujourd’hui par un « duopole » constitué de Facebook et du moteur de recherche Google qui fonctionne sur le même modèle. L’an dernier, le marché publicitaire a représenté 98% du chiffre d’affaires de Facebook qui a engrangé un bénéfice de 16 milliards de dollars.
En quoi est-ce un problème ?
« Les publicités ciblées ne sont pas toujours considérées comme une nuisance, souligne Alexandre de Cornière. Au contraire, certaines personnes y trouvent un intérêt puisque ces publicités sont faites pour les intéresser ! ».
Tout dépend aussi de l’utilisation qui est faite de ces données. Qu’elles aident à vendre des chaussures, pourquoi pas. Mais les enjeux sont différents quand il s’agit d’influencer le vote des électeurs.
« Le fait que des équipes de campagne envoient des publicités ciblées à certains électeurs, comme cela a été fait par Donald Trump, mais aussi par Barack Obama, est moins bien perçu », analyse Alexandre de Cornière. Reste surtout la question cruciale du consentement, qui pèse lourd dans la tourmente dans laquelle se trouve Facebook aujourd’hui.
Si l’utilisation des données personnelles figure dans les conditions générales d’utilisation de Facebook ou de Google, bien peu d’internautes se donnent la peine de les lire.
Cette question du consentement est aussi au cœur du scandale qui entoure la firme Cambridge Analytica. En répondant au test mis en ligne sur Facebook par ce cabinet spécialisé en marketing politique, les internautes ne savaient pas en effet que cette dernière pourrait ainsi « siphonner » les informations personnelles de leur groupe d’amis, et récolter ainsi des informations sans leur consentement.
Par ailleurs, La réglementation européenne sur les données personnelles, qui doit entrer en vigueur le 25 mai prochain prévoit que les internautes devront être informés de manière intelligible du traitement des données fournies lors d’une consultation sur Internet, et donner leur accord de manière non ambiguë pour le traitement de leurs données. Celles-ci ne devront par ailleurs être stockées que « le temps nécessaire ». Pour le moment, aucune restriction de ce type n’existe aux États-Unis.