Le phénomène de spoliation foncière est toujours d’actualité au Maroc. Familles marocaines, Marocains résidents à l’étranger, orphelins… font face à un fléau qui a pris de l’ampleur. Le gouvernement Marocain, après une lettre du Roi Mohammed VI adressé au ministre de la justice a tenté de durcir les lois pour limiter le phénomène. Les résultats sont importants, mais restent en dessous des attentes.
Perdre sa maison ou ses terres est une expérience douloureuse. Malgré une réglementation stricte, le Maroc fait encore face à plusieurs cas de spoliation foncière et d’arnaques immobilières notamment contre des Marocains résidents à l’étranger, des héritiers, ou des personnes âgées.
Des médias marocains ont rapporté récemment l’histoire d’une femme de 87 ans victime d’une arnaque immobilière. L’histoire remonte au mois de novembre 2016 quand la femme a été conduite par des individus vers la Commune de Tioughza, dans la province de Sidi Ifni dans le sud du Maroc où elle était censée recevoir une aide financière de l’État.
« Les suspects sont passés chez un avocat complice, qui a rédigé des documents, avant de rejoindre le siège de la Commune. La femme a apposé son empreinte digitale, puis s’est vue remettre un billet de 200 dirhams, le montant de l’aide étatique, lui avaient expliqué les suspects », lit-on sur un média local.
L’affaire a éclaté quand, voulant labourer un des champs, son neveu en a été empêché par l’un des complices, sous prétexte qu’il en était propriétaire et qu’il disposait de l’acte de vente. « Se déplaçant vers la Commune de Tioughza, les neveux de la femme ont été surpris de découvrir la copie de l’acte de vente, qui précisait que les terres avaient été vendues en échange de 80.000 dirhams », toujours selon le même média.
Une autre affaire avait fait également la Une des médias il y a quelques mois. Il s’agit de l’affaire de « Fayçal Kimia ». En 2011, ce Casablancais a découvert que les documents de sa maison héritée de son père étaient enregistrés sous le nom d’un nouveau « propriétaire », qui assurait l’avoir acquise auprès d’un « héritier », pour la moitié de son prix réel. Ceux qui ont usurpé les titres de propriété de sa villa ont été condamnés en 2018 pour « falsification », mais il n’a toujours pas récupéré son bien.
Comme lui, des centaines de victimes dénoncent une « mafia de la spoliation foncière » au Maroc. Les affaires de ce type sont nombreuses et régulièrement évoquées par la presse locale. Des mesures ont été prises ces dernières années et quelques réseaux d’escrocs impliquant des notaires, des avocats ou des fonctionnaires du cadastre ont été condamnés. Mais, jusqu’ici, une seule victime à travers le pays a pu récupérer son titre foncier, selon l’Association droit et justice au Maroc (ADJM), qui regroupe 400 plaignants.
Selon un rapport établi par le ministère public et qui dresse le bilan de l’année 2017 des cas de spoliation foncière, quelque 61 dossiers ont été portés devant la justice. Dans le détail, à fin 2017, 16 affaires étaient en phase d’enquête préliminaire et 16 en instruction. D’autres sont en cours de jugement en première instance (4), en appel (14) ou en cassation (11). C’est dans les circonscriptions judiciaires de Casablanca (19), Kénitra (8), Rabat (7) et Tanger (7) qu’atterrissent le plus grand nombre de plaintes. Mais le problème est national (Safi, Agadir, Marrakech, Tétouan, Nador, Oujda, etc.)
Le ministre marocain de la Justice avait affirmé que « le recours aux procurations sous seing privé lors de la conclusion d’actes de transfert de la propriété, ainsi que certaines défaillances à caractère législatif s’agissant des attributions des pouvoirs judiciaires compétents dans la séquestration des biens objet de spoliation, sont parmi les facteurs à l’origine de la recrudescence de ce phénomène ».
Parmi ces facteurs figurent aussi les divergences au niveau des peines relatives aux délits de falsification commis par les rédacteurs des actes, ainsi que le manque législatif apparent en matière d’organisation de l’acte de procuration et d’organisation juridique des entreprises civiles.