Après une semaine d’incertitude et de crise diplomatique, le navire humanitaire est arrivé en Espagne dimanche. Un trajet long de 1500 kilomètres.
Les 630 migrants secourus par l’Aquarius sont arrivés dimanche en Espagne, épilogue d’une semaine d’errance en Méditerranée qui a exacerbé les tensions en Europe sur la politique migratoire.
En rentrant dans le port, le navire de secours, affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), a été accueilli par des applaudissements nourris tandis que des migrants dansaient et chantaient.
Pour ces ressortissants en grande majorité africains, venus en particulier du Soudan, d’Algérie, d’Érythrée et du Nigeria, l’arrivée à Valence sous un soleil franc a signé la fin d’une odyssée de 1.500 kilomètres vers l’Espagne, parfois par mauvais temps, après le refus de l’Italie et de Malte de les accueillir.
Un voyage éprouvant durant lequel ces 450 hommes, 80 femmes, 89 adolescents et onze enfants de moins de 13 ans, secourus dans la nuit du 9 au 10 juin au large de la Libye, auront été le catalyseur des profondes fractures au sein de l’UE sur la question migratoire qui sera au centre du prochain conseil européen des 28 et 29 juin.
Inaction criminelle de l’Europe
« Pour SOS Méditerranée, l’Aquarius est devenu un symbole. La situation ne peut pas se répéter, l’inaction de l’Europe est criminelle », a accusé sa directrice générale, Sophie Beau.
« Cela montre à quel point l’Europe a perdu sa compassion morale dans la Méditerranée. Ces hommes, ces femmes, ces enfants ont fui la pauvreté et la guerre », a souligné pour sa part Karline Kleijer, coordinatrice d’urgence pour MSF.
Examinés à bord par des équipes médicales, les migrants ont tous ensuite progressivement débarqués et reçu, selon MSF, trois formulaires au choix à remplir, un pour demander un permis de séjour provisoire de 45 jours, un pour demander l’asile en Espagne et un autre pour le demander en France.
La France a offert d’en accueillir certains mais dimanche, le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, a estimé qu’il était impossible d’en déterminer le nombre.
Un total de 144 migrants, dont des femmes enceintes, nécessitant des soins notamment pour des brûlures ont été acheminés vers des hôpitaux mais seulement six devraient y rester, selon les autorités régionales. Les autres sont partis vers des centres d’hébergements provisoires. Au total, le dispositif mis en place pour cet accueil exceptionnel a mobilisé 2.320 personnes, dont 470 traducteurs.
L’événement a été en outre ultra médiatisé, avec plus de 600 journalistes accrédités. Sur le port, la presse a été maintenue à 200 mètres des migrants, conformément à la volonté des autorités de respecter leur intimité.
Geste humanitaire et politique
Tout juste arrivé au pouvoir, le chef du gouvernement socialiste, Pedro Sanchez, avait offert lundi d’accueillir ces migrants à qui l’Italie et Malte refusaient d’ouvrir leurs ports.
Un geste humanitaire mais aussi politique pour Madrid, destiné à impulser une réponse européenne commune face à la crise migratoire.
Le refus de l’Italie et de son ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), d’accueillir l’Aquarius a plongé l’Europe dans une nouvelle crise sur la question migratoire et déclenché une passe d’armes diplomatiques entre la France et l’Italie.
Si un déjeuner vendredi entre le président français Emmanuel Macron et le chef du gouvernement italien, Guiseppe Conte, a permis d’apaiser les tensions, Matteo Salvini a persisté et signé samedi en réitérant l’interdiction aux ONG d’accéder aux ports italiens.
Selon les médias italiens, 42 migrants secourus cette semaine par un navire de la marine américaine au large de la Libye vont en revanche être débarqués en Italie par un bateau des gardes-côtes italiens.
Alors que les migrants de l’Aquarius sont à bon port, près de 1.300 autres migrants ont été secourus depuis vendredi près des côtes du sud de l’Espagne, troisième porte d’entrée par la mer dans l’UE, et quatre sont morts.