La Turquie s’éloigne rapidement de l’Union européenne, a déploré mardi le commissaire européen à l’Élargissement Johannes Hahn, qui réclame la levée immédiate de l’état d’urgence dans son rapport annuel sur les négociations d’adhésion très critique envers la dérive autoritaire d’Ankara.
« La vaste purge menée par le gouvernement turc depuis le putsch manqué de juillet 2016 est disproportionnée », a-t-il estimé.
« La disproportion des mesures prises à une grande échelle en vertu de l’état d’urgence depuis la tentative de coup d’État, telles que les licenciements en masse, les arrestations et détentions, continuent de soulever d’importantes inquiétudes », souligne le rapport de la Commission européenne.
Plusieurs années de rapprochement des normes de l’Union européenne sont compromises par l’érosion de la démocratie avec l’extension des pouvoirs présidentiels, avertit la Commission.
Traitement déloyal envers la Turquie
Ankara « continue de s’éloigner à grands pas de l’Union européenne, en particulier dans les domaines de l’État de droit et des droits fondamentaux. La Commission a invité à plusieurs reprises, la Turquie à inverser en priorité cette tendance négative et expose clairement ses recommandations dans le rapport d’aujourd’hui » a déclaré Johannes Hahn lors d’une conférence de presse organisée après la publication du rapport.
La Turquie n’est pas traitée de manière équitable et objective par l’Union européenne, a réagi le porte-parole du gouvernement turc après la publication de ce rapport.
Si des remarques positives ont été insérées dans le document, elles ne font pas oublier le traitement déloyal dont la Turquie est victime, a estimé Bekir Bozdag à l’issue d’un conseil des ministres à Ankara. Cette dernière rejette régulièrement le bilan dressé par l’UE sur le non-respect des droits de l’homme et accuse Bruxelles d’appliquer un double langage.
Lever l’état d’urgence
Dans le rapport, la Turquie est invitée à plusieurs reprises à lever l’état d’urgence qui permet au président Recep Tayyip Erodgan et à son gouvernement de se passer de l’aval du Parlement ou de limiter les droits et libertés publics.
« Depuis l’instauration de l’état d’urgence, plus de 150.000 personnes ont été placées en détention, 78.000 ont été arrêtées et plus de 110.000 fonctionnaires ont été licenciés, alors que, selon les autorités, environ 40.000 fonctionnaires ont été réintégrés, dont environ 3.600 par décret », souligne la Commission dans son rapport.
Le gouvernement turc affirme que ces mesures de sécurité sont nécessaires pour éradiquer la menace constituée par les partisans du prédicateur en exil Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’être à l’origine de la tentative de coup d’État. Tandis que Gülen nie ces accusations.
Une prolongation de trois mois de l’état d’urgence en vigueur depuis le putsch manqué a été recommandée mardi par le Conseil turc de sécurité nationale, dont la recommandation devrait être approuvée par le Parlement.
Rappelons que la Turquie, a débuté les négociations d’entrée dans l’UE en 2005, soit 18 ans après avoir formellement présenté sa demande d’adhésion à la Communauté économique européenne.
Plusieurs contentieux, de même que la réticence de la France et de l’Allemagne, ont freiné le processus de négociations, qui se trouvent dans l’impasse depuis 2016.
Malgré les tensions, le président Erdogan a répété son envie d’intégrer le bloc. Le ministre allemand des Affaires européennes a quant à lui défendu le processus d’adhésion de la Turquie dans l’UE.
« Il serait mieux de ne pas claquer la porte. Cela serait un mauvais signal envoyé à ceux en Turquie qui aspirent aux valeurs européennes », a déclaré aux journalistes Michael Roth, mardi à Luxembourg, en marge d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères.