Maintenant qu’il assume les charges de chef de l’Etat(même s’il s’agit d’un intérim), Cyril Ramaphosa est face à l’histoire. Va-t-il réussir là où Thabo Mbecki a lamentablement échoué et où Jacob Zuma a aussi raté le coche ? L’avenir le dira.
Son premier discours sur l’état de la nation est ambitieux et s’inscrit dans le sillage historique des idées et de la cause populaires défendues par son parti, l’ANC.
Relancer l’économie pour créer des emplois notamment pour les jeunes, combattre la corruption, particulièrement au niveau des entreprises publiques et redistribuer les terres pour réparer l’injustice de l’Apartheid, voilà un programme patriotique et impératif. Pour redresser le pays et redonner à l’ANC sa crédibilité fortement atteinte par les présidences de Mbecki et Zuma qui ont succédé à celle du leader hors-norme Mandela.
Si Ramaphosa agit pour imposer sa politique annoncée ; il va très certainement remobiliser son parti et remporter les élections de l’année prochaine. Il va achever la décolonisation de l’Afrique du Sud où la mainmise blanche sur les terres est plus que révoltante après 24 ans de régime démocratique. Toutefois son intention d’« exproprier les terres sans compensations financières » va soulever l’ire des Blancs et de leurs soutiens qui vont déployer de grands moyens politiques et financiers pour le combattre.
Il faut s’attendre à de nouvelles révélations sur le passé de Ramaphosa qui avait déjà été accusé de viol comme Zuma. L’origine de sa fortune colossale sera passée au peigne fin et d’autres coups tordus sont à craindre. Mais l’homme a le cuir épais. Pourtant Zuma l’avait aussi et il a fini par tomber sous les coups de boutoir des Blancs et de ses frères de l’ANC pressés de lui prendre la place. Le départ de Zuma ouvre une période d’incertitude et Ramaphosa doit faire avec.
Son discours du jour est tonique, il est prometteur tout en laissant des zones d’ombre. Le volontarisme du nouveau leader est affiché, le problème est de savoir s’il va suffire ?
Près d’un quart de siècle de pouvoir laisse des traces. L’ANC y a même laissé des plumes. Des divisions irréductibles le minent et personne ne peut croire que Zuma va aider son successeur si rien ne lui est proposé. Par exemple pour lui éviter l’humiliation d’un procès risqué.
Face à l’histoire Ramaphosa a deux choix possibles : relever le défi de l’animosité des Blancs pour redistribuer les terres ou ravaler ses ambitions et perdre son âme patriotique. Et demain laisser une image négative pour la postérité.
À quoi bon être président si on ne réussit pas le rendez-vous avec l’Histoire ? En faisant renaître l’espoir dans les cœurs des populations.
Ramaphosa est face à lui-même, à son destin.