La volonté du président Alpha Condé de faire modifier la constitution de son pays, pour pouvoir briguer un troisième mandat, se heurte à une opposition farouche de ses adversaires politiques. Mais aussi de certains de ses partisans, comme le ministre de la Justice, Cheik Sacko qui vient de démissionner du gouvernement.
Et ne s’est pas gêné de faire savoir que la raison de son départ du gouvernement était le refus de cautionner une éventuelle modification de la constitution (voir en fac-similé sa lettre de démission).
C’est une gifle politique retentissante qui est ainsi donnée à Alpha Condé qui est engagé dans une manœuvre politicienne pour lever l’obstacle constitutionnel de la limitation des mandats présidentiels à deux.
Toutefois, bien que dans la tourmente, Condé ne va pas reculer. Âgé de 81 ans, l’homme est pressé par le temps et va jeter toutes ses forces dans la bataille pour conserver le pouvoir.
Depuis son avènement, dans des conditions douteuses, il n’en fait qu’à sa tête, n’organisant les élections que lorsqu’il le voulait. Lorsqu’il était sûr de les gagner.
Il utilise la répression sans sourciller et de nombreux morts sont toujours dénombrés, à la suite des soulèvements post-électoraux.
Ayant subi, lui-même la répression, et du temps du président Sékou Touré et de celui du président Lansana Conté (qui l’avait emprisonné), il a basculé dans l’autoritarisme. Il ne recule devant rien et va passer par la force, pour un troisième mandat. Sauf si, opposants et citoyens guinéens démocrates de tous bords, se mobilisent et lui font face.
C’est pour quoi, le courage du ministre de la Justice qui vient de démissionner est à saluer. La Guinée a trop souffert de la dictature de Sékou Touré et de l’autoritarisme de Conté, mais aussi de la répression sanglante des dix années de pouvoir de Condé.
Ce pays qui a un potentiel économique exceptionnel et des ressources humaines de qualité, a besoin d’un leadership démocratique pour se développer et éradiquer la pauvreté endémique qui étouffe le pays. Il n’y a pas de fatalité, ni en Guinée, ni ailleurs !
Il y a des drogués du pouvoir qui confisquent la volonté populaire et empêchent les peuples de s’émanciper. La Guinée n’a que trop souffert des potentats. Elle a les moyens de stopper le projet de Condé, si elle s’affranchit des divisions ethniques manipulées et de l’instrumentalisation des forces de l’ordre. Il faudrait aussi que les opposants s’unissent, ne serait-ce que pour faire échec à la réforme constitutionnelle téléguidée.
C’est, peut-être trop demander à des opposants assoiffés de pouvoir, comme Sidya Touré qui affirme qu’il « serait élu président si Alpha Condé n’est pas candidat ». Cette affirmation ne repose sur aucune argumentation sérieuse.
Touré n’a jamais réussi à se hisser à une position électorale qui lui permettrait de gagner la présidentielle. Il n’a ni le parti représentatif dans l’ensemble du pays, ni les troupes. Il est, plutôt dans une position de « faiseur de roi ». Sa déclaration, cependant sème le trouble et pourrait favoriser les manœuvres en cours de la part de Condé.
D’ici 2020, c’est la stabilité de la Guinée se joue et le fameux « droit d’ingérence » doit être appliqué par la communauté internationale, avant qu’il ne soit trop tard.
Alpha Condé avait beaucoup de soutiens en France, et au plus haut niveau.
Ce n’est plus le cas, avec Macron, apparemment. Mais ce n’est certainement pas Paris qui va jouer un rôle déterminant en Guinée, car d’autres urgences le préoccupent.
La situation interpelle les citoyens guinéens qui sont concernés, au premier chef.
Le ministre de la Justice, Cheick Sacko a posé un acte fort. Son exemple est à suivre.
Soit dit en passant, le général Sékouba Konaté a remporté son bras de fer avec Conté qui a fini par lui faire délivrer son passeport. Il a obtenu un passeport diplomatique et un passeport ordinaire. Mais est-il libre, pour autant de rentrer en Guinée, sans rien craindre ? Rien n’est moins sûr !