Le scrutin du 2ème tour de la présidentielle au Mali s’est déroulé le 12 août 2018, entre Ibrahima Boubacar Keïta qui dirigeait la Coalition « Ensemble Pour le Mali » et son challenger Soumaïla Cissé, avec la Coalition « pour l’Alternance et le Changement ».
Curieusement, les faiseurs de roi notamment l’homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo, arrivé 3ème avec (8,33%) et Cheikh Modibo Diarra, 4ème avec (7,4%) se sont abstenus de donner des consignes de vote, comme s’y attendaient le leader de l’opposition Soumaïla Cissé et ses partisans. Qu’est-ce qui n’a pas bien marché entre les 18 candidats qui avaient juré de voter pour celui qui sortirait Premier de leur rang ?
Au lendemain de la publication des résultats du premier tour, le classement était comme suit : Le président sortant candidat de la Plateforme « Ensemble pour le Mali » Ibrahim Boubacar Keïta a obtenu 41,70%, son suivant immédiat, Soumaïla Cissé « Coalition pour l’Alternance et le Changement », réalise un score de 17,78%. À la 3ème place, on retrouve le candidat d’ADP-Maliba, Aliou Boubacar Diallo qui a engrangé 8,03%, devant Cheick Modibo Diarra, qui arrive en 4ème position avec 7,37%.
Le collectif des 18 candidats, arrivés derrière le président sortant ont formé un front pour dénoncer ensemble : le manque de transparence, le bourrage d’urnes et la fraude massive. Il semble qu’il y avait un pacte de solidarité qui stipulait que les 17 candidats s’engageraient à donner des consignes de vote en faveur de Soumaïla. Tel n’a pas été le cas, dimanche 12 août 2018, parce qu’auparavant Aliou Boubacar Diallo (3ème) et Cheikh Modibo Diarra (4ème) ont publiquement annoncé qu’ils ne donnent pas de consigne de vote et que leurs militants et sympathisants « étaient libres de voter selon leur conscience ».
La déception est grande dans les rangs du leader de l’opposition, d’autant que les deux faiseurs de roi totalisent plus de 15 % des voix. Ceux qui crient trahison n’ont pas intégré les dimensions politique et stratégique de la question.
Au plan politique, les faiseurs de roi avancent que l’accord qui les liait à Soumaïla stipulait qu’en cas de d’irrégularités d’une certaine ampleur, tous les candidats de l’opposition devraient boycotter massivement le second tour. Or, Ismaïla et son camp ne l’entendaient pas de cette oreille, ils préconisaient plutôt une sainte alliance de l’opposition contre IBK au deuxième tour.
Au plan stratégique, les présidents sortants ont souvent l’avantage de briguer des seconds mandats, ce qui fait qu’il ne leur reste plus-constitutionnellement- qu’un seul mandat, d’où la propension des autres candidats perdants, à se dire qu’il vaudrait mieux les laisser passer que de favoriser quelqu’un qui, une fois élu, aura la possibilité, de solliciter encore un autre mandat. Calculs politiciens, sommes-nous tentés de dire ; mais en réalité, de tels calculs, bien que politiciens, ont dû peser sur la balance lors du 2ème tour au Mali.
Dans un pays voisin, le Sénégal, le même scénario risquera fort bien de favoriser le président sortant M. Macky Sall en 2019. Ce président, plus que son homologue malien, fera face, pour l’essentiel, à de jeunes opposants, qui vont briguer le fauteuil présidentiel pour la première fois de leur vie. Ce qui fait que la plupart d’entre eux, préféreraient, en cas de défaite, la victoire de Macky Sall, ce qui laisserait à tout le monde, l’opportunité d’aller en compétition, à chances égales, à la présidentielle de 2024.
Une telle situation, pousse souvent les faiseurs de rois à adopter des positions stratégiques, certes mal comprises, par bon nombre de leurs concitoyens.