Le président ivoirien a lancé une offensive politique décousue grosse de bien des dangers pour lui.
Tout d’abord il a défié son allié Bédié, tout puissant patron du PDCI, en imposant, au forceps le RHDP unifié. Bédié a refusé et Ouattara peine à recoller les morceaux avec lui, parce qu’il a été trop loin : en faisant un remaniement ministériel sans le consulter, en reconduisant des ministres PDCI dissidents et en se faisant élire président du RHDP « unifié ».
Depuis le torchon brûle entre les deux leaders et Bédié a répliqué en faisant exclure du PDCI tous ceux qui ont rejoint Ouattara au RHDP unifié.
C’est dans ce contexte de tension politique vive qu’il faut replacer la nouvelle offensive de Ouattara qui a décidé d’amnistier Simone Gbagbo, la femme de Laurent Gbagbo et de nombreux autres membres du parti FPI. Il a aussi fait libérer le chef du protocole de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale.
Ouattara agit dans le sens de la paix sociale et de la réconciliation nationale pour cicatriser les plaies ouvertes depuis la crise violente de 2010/2011 qui avait fait plus de 3000 morts. Mais des militaires pro-Gbagbo, coupables de crimes de sang restent en prison.
Toutefois le président ivoirien ne semble pas prendre en compte la réalité complexe qui prévaut dans le pays depuis la chute de Gbagbo et le choix de l’envoyer à la CPI où il est en procès en ce moment.
En amnistiant sa femme Simone Gbagbo qui était député et surtout une personnalité forte du régime de son mari, il lui ouvre les portes d’une éventuelle candidature à la présidentielle de 2020. Si son état de santé le lui permet. Même si elle ne se lançait pas, on voit mal qu’elle passe l’éponge et pardonne.
L’héritage politique de son mari est en question car le FPI (front populaire ivoirien) est divisé avec une branche dirigée par Pascal Affi Nguessan et une autre qui vient d’élire Laurent Gbagbo à sa tête.
Ces derniers temps un rapprochement Nguessan-Bédié était envisagé et c’est peut-être ce qui a poussé Ouattara à prendre les devants ? On peut penser qu’il a ouvert la boite de Pandore en poussant le jeu politicien trop loin.
Bédié est resté stoïque et ferme dans ses positions et Soro pousse ses pions sans se dévoiler entièrement. Une réconciliation nationale est-elle possible dans les conditions actuelles en Côte d’Ivoire ? Rien n’est moins sûr !
Beaucoup de sang avait coulé et les rancœurs et les rancunes sont encore tenaces.
Les initiatives de Ouattara sont louables mais trop teintées de calculs politiciens confus.
Comment se fâcher avec Bédié, chercher à se réconcilier avec un FPI qu’on a décapité et appeler à céder le pouvoir à la nouvelle génération en 2020 ? Tout en se faisant élire à la tête du RHDP « unifié » ?
Ouattara franchit des territoires politiques inconnus. Il vise à recomposer le paysage politique ivoirien, sans doute. Mais en a-t-il les moyens ? Ne tente-t-il pas le diable ?
Une première indication sera donnée avec les élections locales et municipales du 13 octobre qui permettront de voir si PDCI et RDR vont faire listes communes ou acter leur divorce.
Si d’ici là Simone Gbagbo sort de prison, immaculée par l’amnistie, tout le monde va guetter ses premières déclarations et décisions. Ouattara a abattu beaucoup de cartes sur la table. Il n’a plus la main. Pour un moment, au moins.