Au moins 49 personnes sont mortes, vendredi 15 mars, dans des attaques contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande.

Les premiers débats, sur les médias français, après les tristes attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan portaient sur l’origine des terroristes, leurs motivations (religieuses), mettant ainsi toutes une communauté sur le banc des accusés. Aujourd’hui quelques jours après l’attentat odieux contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande, les médias français préfèrent débattre toujours de l’Islam, des risques de dérive de jeunes musulmans et de la « montée » d’extrémisme chez les musulmans. Ces derniers, sont encore une fois sur le banc des accusés même en étant les victimes.

Un jeu dangereux

Depuis plusieurs années, de grands médias français ont opté pour « l’Islam » comme fonds de commerce. Cette religion qui rassemble de centaines de millions de fidèles de par le monde a été résumée en quelques clichés, tous liés au terrorisme et à la violence. Et ça vend bien car les records d’audience sont enregistrés lors des débats sur l’islam et les meilleures ventes de la presse sont réalisées avec des dossiers caractérisant le culte musulman et tentant de mettre au grand jour « ses contradictions » avec ce qu’on appelle désormais « les valeurs de la république ».

Aujourd’hui, même s’il est difficile d’établir un lien direct entre le discours médiatique dominant et le dernier attentat terroriste en Nouvelle-Zélande, il est clair que la responsabilité morale d’un tel crime incombe aux médias. En effet, lier implicitement la hausse de la criminalité avec l’arrivée des migrants, musulmans notamment, accuser une communauté de vouloir coloniser l’Europe en faisant « trop » d’enfants, où semer le doute quant à la compatibilité d’une religion avec les lois du pays, ne fait que nourrir des penchants extrémistes qui finissent par se traduire en actes de violence.

L’Invasion de l’Irak comme déclencheur.

Selon le philosophe français et ancien directeur de l’Observatoire du religieux, Raphaël Lioger, la « grande bifurcation » à partir de laquelle l’islamisation est posée par les responsables politiques comme un problème majeur a eu lieu en France en 2003, année de l’intervention américaine en Irak. En effet, c’est à partir de cette date qu’on a assisté à la naissance de plusieurs mouvements hostiles à l’Islam et qui présente cette religion comme l’ennemie numéro 1 de la république.

L’Observatoire de l’islamisation, le Bloc Identitaire, Riposte Laïque ou encore Ni Putes Ni Soumises ont vu le jour dans le pays des lumières et le pays se préparait à abandonner la laïcité pour un laïcisme agressif envers l’islam en particulier. C’est d’ailleurs contre cette religion qu’une première loi anti-voile avait été promulguée en 2004.

Avec un discours politique de plus en plus populiste et l’émergence d’une élite « intellectuelle » hostile à l’Islam, les médias français n’ont pas hésité à libérer la parole raciste et la stigmatisation des musulmans et de leurs pratiques religieuses avec la bénédiction du système en place. Depuis, on a assisté à ce qu’on a appelé « le problème musulman en France ».

Dans une tribune récente, l’universitaire Français, Nicolas Bourgoin, avait tenté d’attirer l’attention sur « le battage médiatique autour du dernier roman de Michel Houellebecq ouvertement islamophobe, la complaisance des médias vis-à-vis des dérapages d’Alain Finkielkraut, l’islamophobie déclarée de certains journalistes, l’hostilité rencontrée par un mouvement qui prône la réconciliation avec les populations issues de l’immigration post-coloniale ». Selon le chercheur, ces éléments  « montrent que la classe politico-médiatique dans sa majorité encourage le rejet des musulmans ».

Criminel jusqu’à preuve du contraire.

Quand un acte terroriste est commis par une personne issue de la culture arabo-musulmane, tous les français musulmans sont dans les collimateurs des médias. On leur demande même de faire des marches pour condamner le crime. Chose qu’on ne demande pas au reste des français, pourtant eux aussi concernés par le crime car avant tout ceux qui tuent sont des français et les victimes le sont également.

Toutefois, même lorsque l’écrasante majorité de la communauté musulmane établie en France, dénonce avec force ces crimes commis contre des innocents, cela ne suffit pas. La communauté reste pointée du doigt par une bonne partie des médias qui ne veut pas rater cette occasion pour exprimer son rejet de toute idée relative au « vivre ensemble ».

Donnant la parole à des Eric Zemmour et à des Marine le Pen et offrant ainsi une tribune libre à la haine et au racisme anti-migrant et surtout anti musulmans, les médias ont pu, sur une durée de plusieurs années, attisés les tensions et banaliser la haine envers les musulmans. Aujourd’hui, l’acte terroriste, commis en Nouvelle-Zélande, interroge avant tout les médias français. Prêcher la haine contre une communauté mène tout logiquement à des actes de violence contre dernière. Avoir Eric Zemmour comme star des plateaux télé en dit long sur ce qui attend les musulmans de France dans les prochaines années.