Ancien influent patron des patrons algériens, Ali Haddad, a écopé lundi de 6 mois de prison. Il s’agit de la première condamnation d’une personnalité liée au président déchu Abdelaziz Bouteflika par la justice qui a ouvert plusieurs enquêtes anticorruption.
Ali Haddad est incarcéré depuis son arrestation fin mars à un poste-frontière avec la Tunisie en possession de deux passeports et de devises non déclarées, quelques jours avant la démission, après 20 ans au pouvoir, de Bouteflika confronté à un mouvement de contestation inédit.
La détention de deux passeports est illégale en Algérie et lundi un tribunal d’Alger l’a condamné à six mois de prison ferme pour « obtention injustifiée de documents administratifs », ainsi qu’à « 50.000 dinars (environ 370 euros) d’amende, au retrait de ses passeports et à la confiscation de l’argent » saisi lors de son arrestation, indique un bandeau défilant de la télévision nationale.
Le tribunal n’a donc pas suivi le Parquet qui avait requis 18 mois de prison pour « faux et usage de faux » contre Ali Haddad, conspué par la contestation qui agite l’Algérie depuis le 22 février, aux yeux de laquelle il est un symbole des liens ambigus entre de puissants hommes d’affaires et l’entourage politique Bouteflika.
Président de 2014 à mars 2019 du Forum des chefs d’entreprise (FCE), principale organisation patronale, Ali Haddad fut l’un des plus fervents soutiens du président Bouteflika et est considéré comme un des principaux contributeurs de ses dernières campagnes présidentielles. Il est aussi visé par une enquête pour corruption, selon son avocat.
Son co-prévenu dans l’affaire des passeports, Hassan Boualem, a été condamné lundi à deux mois de prison avec sursis et 20.000 dinars d’amende. Boualem était directeur des titres et documents sécurisés au ministère de l’Intérieur quand il a délivré en 2016 son 2ème passeport à Ali Haddad. Ce dernier avait affirmé à l’audience avoir obtenu son 2ème passeport légalement, après avoir sollicité l’intervention d’Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre et depuis placé en détention préventive.
Depuis la démission d’Abdelaziz Bouteflika, la justice algérienne a lancé plusieurs enquêtes sur des faits présumés de corruption et placé en détention provisoire de puissants hommes d’affaires, la plupart soupçonnés, comme Ali Haddad, d’avoir profité de leurs liens privilégiés avec le chef de l’État déchu ou son entourage pour obtenir des avantages ou des marchés publics.
Plusieurs responsables ou hauts responsables ont également été à leur tour inculpés depuis une semaine dans des affaires d’irrégularités dans des passations de marchés publics. Outre Sellal, ont été écroués Ahmed Ouyahia, quatre fois Premier ministre entre 1995 et 2019, dont trois fois sous la présidence Bouteflika, et l’ex-ministre du Commerce Amara Benyounes.