Le Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir en Afrique du Sud, a remporté les législatives.

Le parti de Nelson Mandela conserve sa majorité absolue au parlement, avec un peu plus de 57% des suffrages. Ce score est le plus bas obtenu par l’ANC depuis un quart de siècle.


Il devrait donc pousser son leader actuel, Cyril Ramaphosa à prendre la mesure des défis à relever pour incarner l’espoir pour la majorité noire. Mais, au vu du premier discours d’évaluation de Ramaphosa, on peut douter de la clairvoyance de celui qui va se succéder à lui-même à la présidence la république.

En effet, il met l’accent sur la lutte contre la corruption qui est un impératif et sur la nécessité de booster l’économie, en attirant davantage les investisseurs. Pour créer beaucoup d’emplois pour les jeunes qui constituent la majorité de la population et qui sont les victimes les plus nombreuses des 27% du taux de chômage qui gangrène le pays.

Jusqu’ici l’analyse est pertinente, mais la question fondamentale de la lutte contre les injustices et les inégalités héritées de l’Apartheid est passée sous silence. À tort !

Si l’objectif est d’éviter d’effaroucher les capitalistes et de rassurer les Blancs qui tiennent l’économie du pays, il est à courte vue. En effet si l’ANC continue de ne pas agir, concrètement, pour résoudre la question foncière, par exemple, il va perdre du terrain, élection après élection, au profit, notamment du parti radical de gauche de Malema qui a gagné 4 points, cette fois-ci, en obtenant plus de 10% des votes.

Contrairement à une opinion qu’on cherche à inoculer aux citoyens sud-africains et au reste du monde, le parti EFF n’est pas extrémiste. Il est intransigeant et son leader est parfois survolté, mais les vérités qu’il assène sont incontournables.

La minorité blanche qui est de plus en plus minoritaire démographiquement accapare 80% des terres arables et contrôle les secteurs financiers, industriels et commerciaux de l’Afrique du Sud. 25 ans après la fin de l’Apartheid, les progrès démocratiques, dans le domaine de l’économie, notamment, sont très faibles.

L’approche de l’ANC qui a privilégié la réconciliation nationale, n’est pas efficace.
C’est le moins qu’on puisse dire et Ramaphosa semble ne pas avoir conscience du danger pour son parti. Si l’approche inclusive qu’il prône ne prospère pas -et on ne voit pas comment elle va prendre un tel chemin- sans une action déterminée de l’État, l’ANC va être délaissé par des pans, de plus en plus nombreux, de la majorité noire.

Lutter contre la corruption au sein de l’ANC et partout, oui, mais aussi, agir pour corriger les injustices flagrantes laissées par l’Apartheid. Pour la réforme agraire, l’État doit engager l’épreuve de force en faisant des expropriations et/ou des achats de terres pour les restituer à la majorité noire.

Dans l’économie, l’État doit aussi promouvoir le leadership noir et Ramaphosa qui est milliardaire sait ce qu’il faut faire. Mais, c’est peut-être aussi son tendon d’Achille car, il cherche à ménager le chou et la chèvre. En ciblant la corruption au sein de l’ANC, il évite le débat risqué pour lui, de la réforme agraire. Et, pourtant il s’est engagé à le faire.

S’il se contente de sa « petite majorité » pour faire des réformettes, le vent de l’histoire pourrait être fatal pour lui lors des prochaines élections. Après l’euphorie de la victoire, il a intérêt à « faire l’analyse concrète de la situation concrète » et prendre la taureau par les cornes pour impulser les changements que l’immense majorité de ses concitoyens attend depuis un quart de siècle.