Guillaume Soro dénonce une «dérive autoritaire» du pouvoir.

Guillaume Soro avait-il fait « l’analyse concrète de la situation concrète », avant de se lancer dans une opposition frontale avec ses ex-alliés du RHDP ? Rien n’est moins sûr !

Il a certes beaucoup hésité avant de franchir le Rubicon, un saut dans l’inconnu acté par sa démission du Perchoir de l’Assemblée nationale. La rupture ainsi consommée, l’homme a choisi un exil volontaire, depuis 6 mois. Sans se gêner d’être ultra-présent dans les réseaux sociaux et de critiquer de plus en plus le régime en place en Côte D’Ivoire.

Il a fini par annoncer sa candidature à la présidentielle de 2020, alors que les « grands barons » continuent d’affûter leurs armes, en menant des campagnes déguisées, sans se déclarer ouvertement. Toutefois Ouattara a affirmé qu’il serait candidat si ceux de sa génération (Bédié et Gbagbo) l’étaient.

C’est dire que les choses se clarifient de plus en plus -le premier trimestre de 2020 va planter le décor-, et ce qui se dessine est loin d’être favorable à Soro. En effet, il ne peut trouver beaucoup de place, si un affrontement Ouattara/Bédié/Gbagbo a lieu.

L’espace politique ne lui offrirait pas de possibilité de peser vraiment car la ligne de fracture PDCI/RHDP, recoupant, tout en les transcendant des réalités communautaires voire ethniques va se dérober à ses pieds.

Dans sa région d’origine, l’enracinement du premier ministre Amadou Gon Coulibaly, maire de la ville de Korogho depuis des lustres et dont les parents (père et grand-père) ont toujours imprimé leur leadership dans la région (fief traditionnel ancestral), il n’a pas d’ouverture politique véritable.

À Abidjan il lui sera difficile de se frayer un grand chemin car, s’il a des partisans, il a aussi beaucoup d’ennemis. Cette situation paradoxale s’est développée pendant ses années de rébellion avec les « forces nouvelles » et les péripéties tragiques qui l’ont marquée.

L’histoire est très récente pour ne pas rester vivace dans les esprits. La guerre civile a fait 3000 morts et il y a encore questions tragiques en suspens comme le « charnier de Yopougon », les tueries de Bouaké, entre autres.

Soro peut arguer qu’il était allié à Ouattara, mais cela ne suffira pas comme explication, notamment en ce qui concerne les exactions sanglantes commises à Bouaké, au cœur du pays Baoulé. « L’affaire Soro » est complexe et met en perspective tous les évènements qui ont secoué la Côte d’Ivoire ces deux décennies.

Les recompositions d’alliances ne suffiront pas et si Soro est poussé à la sortie, comme cela se dessine, avec Gbagbo, un soutien des deux à Bédié s’imposerait, sur le papier. Mais, on ne voit pas comment les partisans de Gbagbo vont se résoudre à voter Bédié, un homme de 85 ans (qui en aurait 86). Et qui avait précipité le pays dans le chaos par sa gestion politique calamiteuse ? Quelqu’un qui avait choisi de tourner le dos à l’un des leader lors du deuxième tour de la présidentielle de 2010.

Cet épisode politique démontre aussi la fragilité du vote Bédié. Ce dernier n’avait pas pu battre ou Gbagbo ou Ouattara au premier tour. Comment pourrait-il battre Ouattara, cette fois-ci qu’une bonne partie du PDCI a rejoint le RHDP ?

Une analyse concrète de la situation concrète donne un net avantage politique à Ouattara sur tous les plans. Il fédère largement au-delà de sa base. Il a fait des réalisations économiques exceptionnelles qui ont propulsé la Côte d’Ivoire sur la rampe de l’émergence.

Soro est entrain de devenir le grand perdant dans cette affaire. Il a mal jaugé ses forces et a maintenant conscience de ses faiblesses. C’est un peu tard !

Toutefois rien n’est encore totalement joué et il faut s’attendre, malheureusement, à des tensions vives d’ici la présidentielle. Le cas Gbagbo est toujours pendant à la Haye et selon la décision de la CPI, la situation pourrait être bouleversée ou non en Côte d’Ivoire.

L’évident est que l’ex-président, déjà condamné chez lui, n’a aucune possibilité d’être candidat. Il aura des cartes à jouer cependant pour monnayer son soutien. Ce qu’il faut craindre et qui semble inévitable c’est le rendez-vous de la violence.

Et souhaiter qu’elle (la violence) soit circonscrite et rapidement étouffée. L’État a l’obligation d’organiser des élections sécurisées, libres et transparentes. Il en a les moyens.

Quant au feuilleton Soro, il faut s’attendre à des rebondissements. L’homme est déjà allé trop loin pour accepter l’exil qui s’impose à lui. Maintenant !