Le parti islamiste Ennahda en tête des législatives en Tunisie.

La Cour de Cassation a pris hier la surprenante décision de libérer Nabil Karaoui, finaliste au 2ème tour de la présidentielle qui se déroulera dimanche 13 octobre 2019 dans l’ensemble du territoire tunisien. La décision, semble être justifiée par un souci d’équité et d’égalité des chances entre les deux finalistes : Nabil Karaoui et son rival Saïed Kaïs.

La sortie de prison de Nabil va-t-elle garantir l’équité et l’égalité entre les deux protagonistes ? Personne ne le croit, d’autant que Nabil dispose de moyens de communication et de propagande beaucoup plus importants que son vis-à-vis.

Saïd Kaïs l’avait bien dit lorsqu’il renonçait à faire campagne ” Je sais bien que si Nabil était libre, il n’y aura ni équité, ni égalité, puisqu’il dispose d’un arsenal de moyens dont je ne possède même pas le quart. Or, l’équité et l’égalité, c’est également au niveau des moyens à mettre en œuvre par l’ensemble des candidats “, conclut-il.

Quoiqu’il en soit, les 4 jours qui restent avant le scrutin de dimanche prochain, vont connaître une certaine effervescence avec un Nabil qui avait hâte de déployer son armada de véhicules aux couleurs de Qalb Tounès (Cœur de Tunisie). D’un autre côté, le Professeur Saïed Kaïs pourra maintenant démarrer sa campagne qu’il avait suspendue pour des considérations d’éthique et d’équité.

Son seul handicap reste le manque de moyens, ce qui l’obligera à faire avec les moyens du bord qui lui ont permis, tout de même, d’arriver en tête du peloton au premier tour.

Nabi Karaoui, est libre, mais demeure inculpé pour fraude fiscale et blanchiment d’argent, ce qui pourrait représenter un cas judiciaire ubuesque. Si Nabil remporte la présidentielle, comment serait-il jugé ? Au cas où il serait condamné, qu’est-ce qui pourrait alors se passer ? Un véritable casse-tête judiciaire !

En tout état de cause, la démocratie tunisienne marche discrètement, mais sûrement vers la maturité. Au lieu de reporter le 2ème tour, comme le réclamaient les avocats de Nabil Karaoui, la justice tunisienne a préféré accorder une liberté provisoire au candidat à la présidentielle. Alors qu’on on attendait le tribunal administratif, c’est finalement la Cour de Cassation qui a pris la décision spectaculaire de mettre Nabil Karaoui en liberté provisoire, lui permettant ainsi d’aller battre campagne pour les 4 jours restants.

Les résultats débouchent sur une assemblée bigarrée 

Peu après l’annonce de la libération de Nabil Karaoui, les résultats des élections législatives officielles, venaient de tomber donnant au parti islamiste Ennahda, quelque 52 sièges, suivi du parti de Nabil Karaoui 38 sièges, puis du courant démocrate Attayar 22 siège et des anarcho-islamistes Karâma 21sièges, talonné par le néo destourien libre. Pro Ben Ali de l’avocate Abi Moussi, candidate malheureuse à la présidentielle, 17 sièges.

Comme on le voit, le parti Ennahda, qui sera appelé à former le gouvernement devra assurer un nombre de 109 sièges pour s’acquitter de cette tâche. Mission difficile, d’autant que certains partis comme Qalb Tounès jure de ne jamais faire alliance avec Ennahda.

Les jours qui viennent nous diront si le parti de Rachid Ghanouchi, nouvellement élu député, réussira à convaincre quelques partis afin d’avoir le quota requis pour la formation d’un gouvernement. Le taux de participation (41%) est certes très faible, mais cela n’entame en rien la crédibilité et la légitimité du scrutin.

Présidents à souhait, les Tunisiens n’ont pas voulu mettre tous leurs œufs dans le même panier. Ils plutôt préfère élire une assemblée éclatée et multicolore.