Les membres de la Conférence épiscopale congolaise (CENCO).

Vers les années 90, l’Afrique avait vécu l’ère des Conférences nationales dont la plupart, étaient présidées par des évêques. Il est vrai qu’au Bénin, en RDC et au Congo Brazzaville, les hommes de l’Église ont joué des rôles importants de médiation et de réconciliation. En revanche, ce qui vient de se passer en RDC, où l’Église avait déployé 40 mille observateurs pour se donner le privilège de se déclarer connaître le nom du vainqueur, avant même que la CENI ne le dévoile, laisse perplexe sur ses visées. De même, si l’Église prétend disposer de 4 mille observateurs pour la présidentielle sénégalaise de février 2019, alors que les membres de la communauté catholique dans ce pays ne dépassent pas 5% de la population, l’on peut bien se demander, si l’institution catholique ne voudrait-elle pas s’immiscer dans la conduite des affaires politiques en Afrique ?

Pendant que l’Europe et particulièrement la France, avaient fini de limiter les pouvoirs de l’Église hors de la sphère publique notamment par la loi de 1905, séparant l’Église et l’État, l’État africain semble faire l’objet de convoitises de la part de l’Église.

Lors de la présidentielle de la RDC, l’Église à travers la Conférence épiscopale congolaise (la CENCO), aurait déployé 40 mille observateurs, coiffant au poteau, toutes les organisations internationales et régionales, qui se sont déployées au Congo.

Pendant que la Commission électorale nationale et indépendante (la CENI) attendait le comptage des voix, la sainte CENCO déclare connaître le nom du vainqueur, mais s’abstiendrait de l’annoncer avant qu’il ne le soit officiellement par la structure dédiée (la CENI) ! Une manière de mettre la pression sur cette même CENI et de court-circuiter le président Joseph Kabila, dont le dauphin Emmanuel Ramazani Shadary était, bel et bien, dans la course vers la succession du président sortant, serait-on tenté de dire.

La CENI finit par livrer les secrets des urnes à sa possession. Ils donnent Félix Antoine Tshisekedi vainqueur avec plus de 38 %, suivi de Martin Fayulu, 34%, et le candidat du pouvoir ne vient qu’en 3ème position avec 28%. La CENCO, épaulée par la France monte au créneau et finit par dévoiler ce qu’elle a voulu cacher hier : ” Martin Fayulu serait en tête du peloton avec près de 62% des suffrages exprimés, suivi de loin par Tshisekedi avec seulement 16% des voix “, d’après (le double comptage) de la CENCO !

La SADC (Communauté de Développement d’Afrique australe) se montre extrêmement virulente, dans son premier communiqué, à l’égard de l’Église et de la France qu’elle appelle à respecter la souveraineté de la RDC et les « processus politiques et juridiques nationaux ».

Ce n’est que lorsque Paul Kagamé, Président en exercice de l’Union africaine (UA) a convoqué une réunion élargie aux membres de la SADC, que la tendance a commencé à fléchir, en faveur de la thèse de l’Église et de la France. Certains observateurs font remarquer d’ailleurs, que si l’UA avait joué véritablement son rôle, on n’en serait pas dans cette mare de cacophonie.

Si l’on peut admettre que l’Église qui, dans certaines circonstances, avait fourni d’énormes sacrifices pour empêcher Kabila de briguer un troisième mandat, il est, en revanche, évident que l’approche adoptée dans la publication des résultats serait de nature à jeter de l’huile sur le feu.

La RDC étant dotée d’une Commission nationale électorale indépendante, n’a nullement besoin que la CENCO ou la France valident ses résultats ou a fortiori, les contester. L’Union africaine, qui a, comme souvent, traîné les pieds, a décidé d’envoyer une délégation de haut niveau, lundi prochain au Congo et a demandé, en conséquence, aux autorités congolaises de surseoir à la publication des résultats.

Celles-ci déclinent poliment, mais fermement ce qui lui semble une injonction, dictée par l’attitude de la France et de la CENCO. Maintenant que des maladresses intolérables ont été commises, il est à craindre que ces impairs ne produisent une dégénérescence dont le pays des Grands lacs n’a nullement besoin. Les analystes se demandent encore ce qui motiverait réellement la démarche antirépublicaine de l’Église ?

De même, si l’Église sénégalaise se dit prête à déployer mille observateurs au pays de la Teranga où la communauté catholique ne représente qu’une infime minorité, on pourrait déjà se poser des questions sur les motivations profondes d’une telle démarche. Ce, d’autant plus que le Sénégal, en dépit de la montée des surenchères préélectorales, reste quand même, une démocratie aguerrie avec deux alternances démocratiques et pacifiques.

En tout état de cause, il serait inadmissible que l’Église au Sénégal, se comporte à l’égard de la CENA (Commission nationale électorale autonome), comme vient de le faire la CENCO vis-à-vis de la CENI en RDC.