La Guinée commémore aujourd’hui, 2 octobre le soixantième anniversaire de son indépendance.

La Guinée-Conakry, un an après le Ghana avait accédé à la souveraineté internationale en 1958. Par un vote historique qui a fait la fierté de beaucoup d’Africains, alors pressés de se libérer du joug colonial. À juste raison !

« La colonisation comme l’avait affirmé Macron est un crime contre l’humanité » ou « contre l’humain », dans la version rectifiée pour éviter d’éventuels procès car le crime contre l’humanité est imprescriptible. Les précautions terminologiques ne peuvent masquer la réalité cruelle de la domination et de l’exploitation coloniales.

« Le Discours sur la colonisation » de Aimé Césaire fait le procès de cette prédation historique qui, après l’esclavage, a achevé de saigner à blanc l’Afrique. Il n’y a aucun « bienfait de la colonisation », action violente, déshumanisante, traumatisante, spoliatrice et « chosificatrice ».

Que la Guinée-Conakry s’en soit libérée la première en Afrique noire francophone est tout à son honneur et cela restera à jamais. Mais les dérives du régime de Sékou Touré sont aussi à dénoncer. La Guinée-Conakry est tombée de Charybde en Scylla.

Elle a vécu près d’un quart de siècle de dictature post-coloniale et, même plus car si le successeur de Sékou Touré, Lansana Conte a été moins violent ; il n’en a pas moins continué à gouverner sans partage. La Guinée pouvait-elle émerger dans ce contexte ? Non ! Aucune condition n’était réunie pour cela.

Toutefois reprocher à la France coloniale d’avoir mené des représailles politiques et économiques contre les anciennes « rivières du sud » (c’est ainsi que s’appelait le territoire rebaptisé Guinée), c’est refuser de voir la réalité en face.
En effet lorsqu’on choisit de défier une puissance coloniale, il faut assumer son choix.

D’ailleurs, à l’époque, de nombreux cadres africains étaient venus en Guinée pour prêter main forte au nouveau régime de Sékou Touré. Beaucoup ont fini par quitter le pays face aux dérives criminelles dont le tristement célèbre « camp Boiro » a été le théâtre.

Il est vrai que Sékou Touré redoutait les coups tordus des colons humiliés mais sa paranoïa l’a poussé à faire des ravages qui ont terni à jamais son magistère. La tragédie de la Guinée s’enracine dans son passé colonial, comme c’est le cas de tous les autres pays victimes de la barbarie coloniale. Mais, une fois l’indépendance acquise et/ou conquise les options lucides des uns et celles peu inspirées des autres ont fait la différence.

La Guinée-Conakry est, potentiellement aussi riche que la Côte d’Ivoire. Pourquoi n’a-t-elle pas décollé comme le pays de Houphouët Boigny ?

Les choix idéologiques, économiques et politiques pertinents d’un côté et aveuglantes d’un autre ont conduit à des destins opposés. Le « miracle économique ivoirien » face au marasme guinéen. La responsabilité des leaders guinéens est totalement engagée. Elle doit être assumée, hier et aujourd’hui.

Alpha Condé doit faire l’analyse concrète de la réalité concrète et éviter de susciter des débats stériles. S’il faut aller au fond des choses, il est possible de laisser la parole aux historiens et aux économistes et autres analystes politiques. Africains, Européens et autres pourraient confronter leurs idées, de manière sereine.

60 ans après, la Guinée-Conakry post-indépendance croule sous le poids de « points sombres douloureux ». Il est peut-être temps de crever l’abcès pour réconcilier les citoyens guinéens avec leur passé pour qu’enfin, ils se mobilisent pour se donner les moyens d’une émergence authentique.