La campagne électorale pour la présidentielle de février 2019, avait bien démarré au Sénégal. Les 5 candidats en lice ont déjà sillonné plusieurs régions du pays. Il y a eu quelques fois des échauffourées, mais pas de débordements graves. En revanche, dimanche dernier, la ville de Tambacounda (Est du pays) a connu une journée sanglante.
La milice de la garde rapprochée du candidat du Parti pour l’Unité et le Rassemblement (PUR) du Pr El Hadj Issa Sall aurait tué deux jeunes militants de Benno Bokk Yaakaar (majorité présidentielle), qui leur aurait barré la route, à l’entrée de la ville de Tambacounda.
Ces évènements douloureux du 10 février 2019, rappellent d’autres évènements, plus douloureux, du 16 février 1994, lorsque des éléments du Mouvement Moustarchidine Wal Moustarchidate (Mouvement religieux), géniteur du PUR, avaient attaqué le bus de la police, en plein centre de Dakar et tué six policiers !
Ce qui s’est passé dimanche 10 février à Tambacounda, ressemble, à bien des égards, à ce qui s’était passé le 16 février 1994 au boulevard Général De Gaule, en plein centre de Dakar. Dimanche dernier, les éléments de la garde rapprochée du candidat El Hadj Issa Sall du PUR ont abattu les jeunes Ibrahima Diop et Cheikh Touré, tous deux membres de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Il y a eu plusieurs blessés, dont des journalistes, chargés de couvrir la campagne du candidat Issa Sall. Du côté du PUR, l’on pointe un doigt accusateur vers Benno Bokk Yaakaar dont “les militants tentaient de les encercler“, disent-ils.
Les faits sont d’une gravité extrême, d’autant que le PUR s’adosse à un mouvement religieux (Al Moustarchidine wal Moustarchidate) dont le guide moral, Serigne Moustapha Sy est aussi, Président-fondateur du PUR. Or, en juin 1993, ce même Moustapha Sy fut arrêté, suite à des critiques acerbes tenues, à l’encontre du régime d’Abdou Diouf.
Le 16 février 1994, alors que Me Abdoulaye Wade dirigeait un meeting politique de la Coordination des Forces Démocratiques (CFD), au boulevard Général De Gaule, en plein centre de Dakar, Serigne Habib Sy, frère cadet de Serigne Moustapha, lui arracha le micro pour dire “que le temps était à l’action et non au palabre“. Et Me Wade de dire : “ Vous voulez marcher, eh bien marchez “, lança-t-il.
Ce fut le déferlement d’une horde de jeunes moustarchides, armés d’armes blanches et d’explosifs. Le bus de la police, fut la cible des assaillants qui ont mis le feu sur les forces de l’ordre qui tentaient de se sauver. Le bilan est pathétique : six policiers tués et d’autres blessés. De nombreuses arrestations furent opérées dans les rangs du Mouvement des Moustarchidine et, le même jour, “le ministre de l’Intérieur, de l’époque, feu Djibo Kâ, lors d’une déclaration télévisée, annonce par décret numéro 001123 du 17 février 94 l’interdiction sur tout le territoire national des activités du mouvement des Moustarchidines“.
Me Abdoulaye Wade, Landing Savané de And Jëf, Habib Sy, ancien directeur de cabinet de Me Wade, etc…furent eux aussi, arrêtés et incarcérés dans la prison de Reubeuss. Quatre ans, après, précisément en 1998, le guide moral du Mouvement des Moustarchidine, Serigne Moustapha Sy met sur pied le PUR (Parti pour l’Unité et le Rassemblement), dont le Pr El Hadj Issa Sall est le candidat pour la présidentielle de 2019.
Ce rappel historique démontre que le Mouvement Al Moustarchidine pourrait être considéré, au vu des évènements du boulevard Charles De Gaule (1994) et de Tambacounda (2019), comme récidiviste, si jamais les enquêtes en cours, établissent la culpabilité des membres du PUR.
L’on pourrait également déplorer le manque de vigilance du régime Diouf, qui a reconnu le parti PUR, 4 ans seulement, après la tuerie des policiers en février 1994. En dépit de la posture, manifestement pacifiste, du candidat Issa Sall, il reste que le MMWM auquel, il s’adosse a déjà un passé tacheté de sang et de violence, d’où la nécessité de le garder en repérage, tout au long du processus électoral.
Cela rappelle également que les discours incendiaires de Me Abdoulaye Wade, ont souvent été source d’instabilité et de désordre. Son récent appel “à brûler les cartes d’électeurs“, n’est guère innocent de ce qui s’est passé, dimanche dernier à Tambacounda.