L’Union africaine appelle les autorités de la République démocratique du Congo à suspendre la proclamation des résultats.

L’Union africaine (UA) a demandé « l’arrêt de la proclamation des résultats provisoires finaux de l’élection présidentielle ». Elle estime qu’il subsiste « des doutes sérieux sur la conformité des résultats provisoires prononcés par la CENI le 10 janvier ». Elle va envoyer une délégation à Kinshasa qui sera dirigée par Paul Kagame, président en exercice de l’UA.

Ces décisions lourdes de conséquences ont été prises, à la suite d’une réunion à huis-clos, à laquelle ont participé les chefs d’État membres de la SADC (comité de développement de l’Afrique australe) et de la conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIGL).

La « bombe politique et diplomatique » que vient de lancer l’UA va obliger le régime Kabila à réagir, mais aussi tous les autres acteurs du jeu politique congolais.

L’église congolaise devrait s’en féliciter, elle qui a soutenu qu’elle connaissait le « nom du vainqueur » et que les résultats proclamés « n’étaient pas conformes ». L’UA dit exactement la même chose et va plus loin, en demandant l’arrêt du processus électoral.

Si le régime Kabila obtempère, il n’aura plus aucune crédibilité et, s’il refuse la porte sera ouverte pour la réalisation des pires scénarios.

La première question qu’il faut poser est de savoir pourquoi l’UA a attendu aussi longtemps pour intervenir de manière aussi spectaculaire ? Imposer l’arrêt du processus électoral c’est annuler purement et simplement les résultats du scrutin du 30 décembre. Pour faire quoi ensuite ?

Il est impensable de substituer un « vainqueur » par un autre de manière pacifique. L’UA a-t-elle les moyens de faire prévaloir ses positions. Rien n’est moins sûr !

Elle peut suspendre, voire même exclure un pays de ses rangs. Elle peut en faire un « paria » sur la scène internationale, mais c’est à peu près tout. Mais un pays africain peut bien se passer de l’UA, comme le Maroc l’a fait pour protester contre l’admission de la RASD. L’Afrique du Sud raciste est restée en dehors pendant des décennies.

La R.D.CONGO, située au cœur du continent et d’une immensité exceptionnelle (elle a des frontières avec 9 pays) pourrait difficilement faire face à un boycott de la part des pays membres de l’UA ? Est-elle obligée de subir la volonté de ses voisins dont certains alimentent les rebellions qui la déstabilisent ?

Et, à propos d’élections douteuses, d’autres pays peuvent être ciblés ou à cause de pratiques louches (coupure des moyens de communication) ou de résultats qui défient le bon sens en culminant à plus de 90% des voix etc.

Beaucoup donc qui accusent Kinshasa d’avoir truqué les élections (appelons un chat, un chat) sont des procureurs aux mains entachées. Qu’ils puissent revêtir le manteau immaculé de démocrate sincère laisse songeur.

Le plus grave est que cette décision de l’UA va mettre de l’huile sur le feu à coup sûr. Martin Fayulu qui revendiquait la victoire va être ragaillardi et va essayer de pousser son avantage. Félix Thsisekedi, vainqueur annoncé va-t-il accepter la nouvelle donne ?

Si le processus est interrompu, alors tout sera remis à plat : les élections présidentielles, législatives et provinciales. Comment tout reprendre à zéro ? Comment trouver les financements nécessaires ? La décision de l’UA risque d’être celle d’un pompier-pyromane.