Macky Sall a présidé, ce jour, l’ouverture du « dialogue national » au Palais de la République, à Dakar. L’immense majorité des partis d’opposition, des membres de la société civile, des personnalités religieuses et autres, ont pris part à l’événement.
Absence notable cependant du premier parti d’opposition, le PDS de Abdoulaye Wade (qui a le plus grand nombre de députés membres de l’opposition) qui a décliné l’invitation.
L’ex-président Wade s’est offusqué du fait que le pouvoir n’a pas pris en compte ses exigences, à savoir « la révision du procès de Karim Wade et la libération de Khalifa Sall ».
Toutefois, si le « PDS officiel » s’est absenté, Omar Sarr, coordonnateur du parti a répondu à l’invitation du président Macky Sall ; il a précisé que Wade lui avait donné son accord pour participer au dialogue, avant de se rétracter.
Nous vous avions raconté, sur ces colonnes, la zizanie orchestrée par Karim Wade, depuis Doha pour faire capoter l’initiative de son père de chef de parti.
Au vu des critiques acerbes lancées par les « faucons wadistes » à Omar Sarr et Cheikh Tidiane Sy, un autre membre éminent du PDS, ancien ministre de la justice de Wade, qui a, aussi bravé l’interdiction du « patron », une nouvelle scission va avoir lieu au PDS. Une énième !
Quel paradoxe : la première conséquence du dialogue est une nouvelle implosion dans le parti wadiste ! Tant mieux, si cela devait clarifier le paysage politique et permettre au dialogue de triompher.
Le « pilote » choisi, Famara Ibrahima Sagna, ancien ministre socialiste, notamment de l’intérieur et des finances, est un homme d’expérience, respecté par tout le monde. Il a été aussi président du conseil économique et social. Il s’entend très bien avec Wade, et pourrait le convaincre à revenir sur sa décision de boycott.
En tout cas, il donne toutes les garanties de compétence et de respectabilité, sans oublier qu’il est resté très discret, depuis sa retraite de la vie publique.
Pour en revenir à la cérémonie d’hier, il faut se féliciter des retrouvailles fraternelles constatées. La démocratie exige un dialogue permanent entre acteurs politiques, citoyens de tous bords et c’est ce qui fait sa spécificité et son efficacité politique. Les règles du jeu sont identifiées et respectées par tous et les contentieux discutés publiquement.
Cependant les interventions qui se sont focalisées sur le « retour de Karim Wade » et la « libération de Khalifa Sall » sont irréalistes car le pouvoir judiciaire est indépendant et le président Macky Sall l’a rappelé. Karim Wade et Khalifa Sall ont été jugés et condamnés. Ils doivent payer des amendes qui ne peuvent être passées par pertes et profits, autrement la justice serait bafouée et avec, le système démocratique.
Khalifa Sall pourrait bénéficier d’une grâce présidentielle quand les conditions légales seront réunies et qu’il en ferait la demande. Comme l’a fait Karim Wade !
Pour le reste, tout est sur la table pour repasser au peigne fin le fichier électoral, réexaminer l’application des modalités de collecte des parrainages, redéfinir les montants des cautions etc.
Macky Sall est un homme de dialogue et il l’a prouvé depuis son avènement. Mais dialoguer ne veut pas dire abdiquer ses pouvoirs constitutionnels, ni accepter des revendications exagérées de l’opposition. Chacun doit savoir raison gardée et se conformer aux règles qui permettent l’organisation de compétitions électorales transparentes, démocratiques et crédibles.
Tous les scrutins organisés depuis 2012 ont rempli ces conditions et les opposants le savent parfaitement. Pourquoi donc dialoguer ? Pour toujours améliorer une œuvre humaine, par nature imparfaite.
Le fichier électoral fiable à 98%, pourrait l’être à à 98,5% voire 99%. Les bulletins nuls ramenés à leur plus simple expression, si on peut dire. Les dépouillements organisés de manière plus rapide etc.
Mais le dialogue est aussi l’occasion d’aborder les questions qui « fâchent » comme l’impératif de diminuer le nombre de partis politiques. Avec plus de 300 partis, la démocratie est chahutée voire caricaturée. Il faut appliquer la loi et exiger des partis le respect des obligations légales de fonctionnement.
L’accès aux médias d’État doit être posé et une plus grande efficacité du CNRA exigée. À l’évidence, il y a du grain à moudre et la table du dialogue est dressée.
Il faut préciser que le dialogue intègre tous les aspects de la vie nationale. Pas seulement les questions politiques. La présence des personnalités religieuses et coutumières l’indique clairement. Nul ne doit l’oublier.