Le président Macky Sall vient de remporter une belle victoire, nette et claire. Élu par 58,27% des électeurs sénégalais, M. Sall a réussi un coup KO en pliant la joute électorale dès le premier tour. En attendant que le Conseil constitutionnel publie les résultats définitifs de la présidentielle du 24 février 2019 et que le nouveau président soit investi de ses nouvelles fonctions, de grands défis se dressent déjà devant lui, dans un futur immédiat.
Le tout nouveau président devra s’atteler à accélérer le processus de paix en Casamance, rassurer le front social, en accalmie précaire, gérer avec efficacité les velléités de positionnement au sein de son gouvernement et dans les rangs de l’APR (le parti au pouvoir) en général.
Il devra aussi, enclencher une dynamique de réconciliation, suite aux nombreuses frustrations, nées de la phase de redressement socio-économique que nécessitait son premier mandat et parachever la construction de la nouvelle ville de Diamniadio, poumons de la capitale sénégalaise qui étouffe déjà.
En obtenant 58,27% des voix, Macky Sall a plié la compétition électorale, dès le premier tour. Pourtant, rien n’était acquis d’avance. Certes, le président sortant avait un bilan largement positif, mais les populations ne pouvaient en apprécier la portée à court terme.
Le redressement des déséquilibres macroéconomiques, hérités de son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade et la politique sociale volontariste qu’il avait initiée pour assister les franges les plus vulnérables de la société sénégalaise, ont nécessité une politique de rigueur dont les conséquences ont été durement ressenties par certaines catégories sociales, qui ont profité de l’année électorale, pour faire monter les enchères.
Pour les apaiser, le président sortant était obligé de prendre des engagements pour un règlement progressif des revendications corporatistes. Tapis dans l’ombre, les syndicalistes sont prêts à déterrer la hache de guerre, dès l’investiture du nouvel élu.
Au plan politique, la condamnation de Karim Meïssa Wade, fils de l’ancien président, Me Wade et celle de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, pour des délits économiques et de mal gouvernance, ont suscité des cassures entre le président de la république et leurs partisans. Certains soupçonnaient le président, à tort ou à raison, d’avoir manipulé la Justice pour éliminer de potentiels adversaires politiques.
Vrai ou faux, une fois investi, le président aura besoin de décrisper la vie politique afin d’enclencher une dynamique de réconciliation pour un sursaut national. Les recalés du parrainage ainsi que les candidats malheureux de l’élection présidentielle de février 2019 ont droit à des clins d’œil de la part du président, pour l’amorce d’un dialogue direct entre les acteurs politiques.
Pour la Casamance, le président Macky Sall avait réussi, lors de son premier mandat, à ramener dans la région méridionale un calme, certes précaire, mais rassurant, compte tenu des bases solides qui sous-tendent les efforts de paix, déployés par les parties en conflit et les facilitateurs qui les accompagnent.
L’un des défis les plus coriaces, sera certainement, la guerre de positionnement qui ne manquera pas de se préciser dès la formation du nouveau gouvernement. À ce niveau, des caciques du parti au pouvoir, proches collaborateurs du président de la république risquent d’en être les acteurs principaux.
L’actuel ministre de Finances, Amadou Bâ, le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye, le ministre des Infrastructures Abdoulaye Daouda Diallo, l’ancien Premier ministre et actuelle envoyée spécial du président, Mme Aminata Touré, le directeur général de la Sénelec (compagnie nationale d’électricité) Makhtar Cissé et le Médiateur de la république, Alioune Badara Cissé sont pressentis pour être les prochains protagonistes.
Un bémol : la Constitution sénégalaise ne sembler pas avoir tranché, de manière claire et nette, la possibilité pour l’actuel président, de se représenter en 2024. Les éminents constitutionnalistes dont le professeur Jacques Mariel Nzouankeu, attestent que l’article 27 de la Constitution du Sénégal dispose : ” La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs “.
Selon eux, les deux mandats consécutifs ne peuvent être que des mandats de 5ans, compte tenu de la première phrase qui caractérise ainsi la durée du mandat présidentiel de 5 ans.
Cette question vicieuse risque d’animer les débats politiques durant les semaines à venir. En attendant, le président Macky Sall s’attachera à parachever son projet futuriste de la nouvelle ville de Diamniadio. Tâche ardue, d’autant que la capitale (Dakar) suffoque et risque d’être étranglée par une asphyxie grave, si la nouvelle ville qui lui sert de poumons, n’est pas rapidement construite.